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, parloirs et en fonction des heures de parloir. J'organisais tout pour, en priorité, aller le voir au 136 parloir
, Et puis 138 j'habitais pas sur place non plus, parfois j'allais loin, très loin pour le voir, je restais dormir sur 139 place à l'hôtel pour regrouper deux jours de suite. Lannemezan, c'est à la frontière espagnole, 140 bonjour les amendes avec la SNCF. Après Clairvaux, en région Champagne-Ardenne, les trains 141 n'arrivent jamais à l'heure, tu as toujours un mec qui se suicide tous les dimanches soir, sur la 142 voie ferrée, tu rentres chez toi à pas d'heure. Et puis Saint-Maur, Châteauroux en région Centre, 143 pareil, pas facile d'y arriver. À Clairvaux, je dormais chez les bonnes soeurs, je les déteste, les 144 bonnes soeurs, à Saint-Maur, j'étais chez les protestants, c'est pas mieux, tous ces gens-là, ils font 145 plein de trucs avec le coeur mais c'est toujours pour se racheter. J'ai eu plein d'embrouilles avec 146 les bonnes soeurs
, On était ensemble, en 149 fait, il voulait se marier avec moi, mais moi, j'ai jamais voulu. J'ai un problème avec le mariage, 150 je dis « personne appartient à personne, alors se marier, non c'est impossible ; au secours ». En 151 2007, je tombe enceinte de ma fille, ça a été galère. J'ai accouché toute seule, j'ai perdu les eaux 152 sur la route en allant au parloir de Fleury-Mérogis, mais j'ai pas voulu faire demi-tour et renoncer 153 au parloir, j'y suis allée quand même. J'entre en prison, ils ont tous eu peur, les surveillants, ils 154 appellent les pompiers, et à 3 h du matin, je suis à l'hôpital à Bourg-la-Reine. Ma fille était très 155 en avance. J'étais mal suivie, j'étais hyperactive, 2006.
, Il ne m'a pas dit un jour « il faut 158 que tu me sortes de là, aide-moi », non je le savais depuis le début
, Il a toujours dit « non, moi, je reste pas en prison » ; au juge qui l'interroge, 162 après une tentative échouée, il a déclaré que la majorité de son temps en prison est occupée à la 163 recherche d'une solution pour s'évader. C'est devenu une obsession chez lui, l'obsession c'est 164 l'évasion. Il ne dormait plus la nuit, mais moi aussi, une fois en prison, plus tard, j'ai souvent rêvé 165 à l'évasion. Je rêvais que je partais, que je m'évadais. Quand je disais ça à ma mère, c'était 166 l'horreur
, il faut être logique, j'adhère au projet, il ne m'a pas forcée, il ne m'a pas 168 influencée non plus, j'ai pas agi sous influence, pas du tout. C'est symbolique, c'est comme si 169 tout ce que j'avais jamais dit
, mais le geste il est grand, il est 171 symbolique, représentatif de quelque chose qu'on a voulu m'enlever ou m'empêcher. Il ne m'a 172 pas manipulée, c'était pas le cas, j'étais consciente ; même je regrette de ne pas avoir été plus loin 173 pour certaines choses. Alors qu'au procès, ils ont voulu faire du léger avec moi, il fallait me 174 donner un côté humain à la barre
, Je l'aide donc à s'évader, je l'organise avec lui, on est ensemble
, Je lui ai toujours dit « la cavale, moi non ». Je suis restée enfermée dans le 179 parloir pendant que lui s'évadait. J'ai tout entendu, les coups de feu, les explosions, ça pétait 180 partout, il y avait de la poussière partout aussi, ça criait partout, tout le monde hurlait, j'étais sûre 181 qu'il allait mourir de toute façon. J'entendais l'hélico au-dessus de la prison tourner et canarder, 182 pour moi, il était mort, d'où j'étais, j'entendais tout ce qui se passait mais je ne voyais rien du 183 tout, Depuis la prison, j'organise tout dedans mais dehors aussi
, Il fallait passer un pistolet, on a pris une fille, Nadia, dont le compagnon était en prison 186 aussi ; elle avait des plaques métalliques entre les omoplates
, endroit précis qui était signalé sur son ordonnance médicale. Les surveillants n'étaient 189 donc jamais inquiets. J'ai scotché le pistolet sur son dos avec du ruban adhésif, à cet endroit, moi, 190 j'avais l'impression qu'on le voyait, et qu'ils n'auraient vu que ça, mais en fait rien du tout, c'est 191 passé ; et moi, je me suis occupée des explosifs, des munitions et des détonateurs. En deux visites, 192 samedi et dimanche, on a tout passé. Et puis le dimanche, à la fin du parloir, il est 16 h, il me dit 193 : « C'est le moment, je m'en vais
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, Mais votre mari, il est gentil 197 d'habitude, qu'est-ce qui lui prend ? Qu'est-ce qu'il fait ? » J'ai répondu : « Oui, il est gentil 198 d'habitude, mais là, il part, il a une cause à défendre, il part ». Il s'évade, moi, je reste avec ma 199, Les gens du parloir que je connaissais bien, m'ont dit : «
, Je savais que j'allais être interrogée après, que j'allais être mise en garde à vue, mais je 201 ne pensais pas que la fille, complice avec moi, allait tout leur dire tout de suite. J'ai fait 96 heures 202 de garde à vue. J'ai appris que Christophe s'en était sorti vivant uniquement à la
, Mes parents sont venus chercher ma fille qui leur a été confiée de suite, mon fils Nino 205 était déjà en week-end chez eux
, Longtemps après, le gars qui s'est évadé avec Christophe m'a dit que c'était à cause de 207 moi qu'ils s'étaient tous les deux fait reprendre, pendant leur cavale
, Après la garde à vue, la prison
, Toutes les femmes étaient 213 regroupées à Saint-Étienne. J'arrive, je dors, je me repose pendant les 3 premiers mois. J'ai fait 4 214 ans et 3 mois de préventive avant d'être jugée et au jugement, j'ai pris 5 ans. Si j'ai pris que 5 ans 215 et pas 7 ou 8, c'est parce que ma mère est venue à la barre, et qu'elle a fait bonne impression, si 216 j'avais été basanée, ou noire, j'aurais pris les 8 années d'office. La prison, la justice c
, Pour les derniers jours, de la prison de Corbas, ils m'ont re-transférée en avion à Fleury, avec un 219 équipement de fou, des gendarmes, des armes partout, alors qu'il ne me restait à faire que quelques 220 jours. Ils sont paranoïaques
, on te défait, 222 on te dépossède de tout ce que tu as. La prison de Saint-Étienne, c'était le Moyen Âge. J'étais 223 contente d'avoir mes tongs dans mon sac de voyage, pour aller à la douche. La plupart des femmes 224 qui sont enfermées n'ont rien, elles sont là pour des affaires de stup ou de médicaments, c'est 225 triste à voir. C'était en février, le temps était tout gris, j'allais même pas aux promenades
, parce que le mec, bien sûr, il 181 a pas dit aux flics que je venais chercher l'argent qu'il me devait. Il a préféré dire « ils sont venus 182 me braquer, Je me suis fait attraper en fait, pour vol, vol.violence
, Pendant un mois, j'ai essayé de vivre avec, de 186 comprendre, d'analyser, de faire en sorte que?, mais j'ai pas pu. Vous savez, mes enfants, ma 187 femme, ils avaient tout ce qu'il fallait pour vivre, mieux et plus même, tout ce qu'elle pouvait 188 imaginer, et même tout ce qu'elle imaginait pas, elle pouvait l'avoir, je le lui offrais. Je lésinais 189 pas sur les moyens, je leur donnais tout. Mais j'ai pas réussi, pas réussi du tout. Je la regardais et 190 je voyais? mon cousin, j'arrivais pas, en fait, j'y suis pas arrivé. À cette période-là oui, j'ai pété 191 un plomb, j'ai quitté chez moi, j'ai regardé ma femme, j'ai dit : « Écoute, je me casse
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, Je me suis retrouvé une arme à la main, à menacer quelqu'un, à lui dire « allonge-toi là par terre 195 », etc. Là, c'est plus le même scénario, on joue plus dans la même cour, je ne suis pas parti à 196 l'improviste chez quelqu'un comme ça, je suis parti chez quelqu'un que je connaissais, qui me 197 devait de l'argent, une grosse somme d'argent, qui se foutait de ma gueule
, Là, c'était beaucoup plus grave que les autres fois auparavant, il y a eu violence, j'étais 200 armé et j'étais pas seul
, 202 pour pas être seul, il avait un compte à rendre lui aussi avec un autre gars, un Chinois qui lui avait 203 fait des trucs bizarres dans le business, ce qui fait que les deux affaires dans lesquelles je suis 204 mêlé, une, c'est une affaire pour régler mes comptes avec un type qui a pas dit que je venais 205 chercher mon argent, et l'autre, une affaire pour régler ses comptes à lui, vu qu'on avait passé un 206 deal « tu viens avec moi pour moi et je viens avec toi pour toi
, arrêt de Villepinte, j'y suis resté à peu près deux 209 ans et puis jugé, j'ai été transféré au Centre pénitentiaire de Châteauroux. Quand je me suis fait 210 arrêter, dès le départ, j'ai dit
, Je me suis dit, « c'est pas grave, je vais les faire les 8 ans, et dès ma 212 sortie, je vais prendre du bon temps, je vais retourner au Maroc, je vais prendre du shit, je vais 213 revenir, plus fort ». Je préparais dans ma tête comment pouvoir recommencer mais en mieux, dès 214 ma sortie, c'était ça en fait
, est pas grave, parce que je ressortirai de toute façon quoi qu'il arrive. Je rattraperai le temps 216 perdu ici ; les années que j'allais passer ici
, De l'intérieur, j'aurais pu envoyer quelqu'un à ma place et tout faire de la prison sans 219 même sortir. C'était faisable. Pendant tout le temps où j'étais à Villepinte, je savais que je 220 recommencerais dès la sortie, c'est indiscutable, et puis un truc s'est passé à Châteauroux, qui a 221 fait que j'ai commencé à penser autrement. Je me suis aperçu là-bas que, en fait moi, j'ai toujours 222 pensé vengeance, vengeance, et vengeance. « Ah ouais, ils m'ont mis 8 ans, eh bien, le jour où je 223 vais sortir
, 226 en tout ; j'ai fait plein de boulots de la petite maçonnerie, du bûcheronnage, je faisais du bois, 47 j'élaguais les arbres, plein de petits boulots chez les agriculteurs. J'ai retrouvé le milieu paysan 48 que je connaissais grâce à mon grand-père. J'ai fait énormément de travail non déclaré, à la 49 campagne, c'est monnaie courante pour tous les corps de métiers. J'éprouve aucune honte d'en 50 avoir profité tant que j'ai pu, La vengeance pour ceux qui m'emprisonnaient, la vengeance pour tout ce qu'ils prenaient 225 à ma vie
, Je ne me suis jamais entendu avec ses parents et je l'ai quittée, avec une très 54 grande colère. Cette séparation-là a été dure. J'ai beaucoup travaillé à l'aider à monter son 55 entreprise, j'ai participé à sa création et à son développement, Ses parents étaient des gens faux, 56 et vénaux. Ils ne m'ont jamais aimé et ils ne m'ont
, Quand ça m'est tombé dessus, ça m'a fait très mal
, En fait, ils avaient peur que je prenne l'argent de leur fille, que je profite d'elle et de la 60 situation. Le fait de bosser dans la musique n'a pas arrangé les choses, je m'absentais beaucoup 61 à chaque concert, je partais loin, en tournée, et je revenais. Ça les a écartés de moi, je me suis 62 senti complètement à l'écart, Mes piercings, mes tatouages leur ont fait peur, j'étais dans l'incompréhension la plus 59 totale
, il est interdit en France ; des rappels à la loi d'un juge qui vous fait un 66 sermon à chaque fois que vous passez devant lui ; cela ne m'a jamais amené en prison. J'ai jamais 67 trafiqué, jamais dealé non plus. Je faisais pousser ma consommation personnelle dans mon coin, été retenus en ma faveur. Personne ne m'a vu sur les lieux, seulement une personne qui avait la 184 même corpulence que la mienne, la même allure. Et le jour du procès, cette famille a dit que 185 c'était moi qui avais fait ça. Ils ont dit que la séparation avec leur fille s'était pas très bien passée, 186 alors qu'on s'est revus deux fois après notre séparation et qu'on est même allés déjeuner 187 ensemble. Bernadette a dit que c'était parce que je lui devais de l'argent qu'on s'est revus, pour 188 lui rembourser ; mais c'est faux, ça aussi
, je ne vais pas à l'église, 191 je travaille au noir, je cours après les femmes ; j'ai été présenté comme ça au jury d'assises, ils 192 ont cru tout ce qui leur a été dit ; et ils m'ont sali. Les assises, ça vous déroute, ça vous met à poil 193 ; sur les trois jours de procès, ils ont passé un jour et demi à parler de moi
, Il n'y a pas que des coupables en prison, il y a des innocents aussi. Des gens qui se 196 retrouvent derrière les barreaux sans comprendre ce qui leur arrive
, Quand la justice se met à faire du lèche-vitrine pour changer la vérité en se basant sur 199 des enquêtes erronées, c'est grave. Les gendarmes écoutent bien uniquement ce qu'ils veulent 200 entendre. Je fais plus confiance à la police qu'à la gendarmerie, les gendarmes ne sont pas des 201 gens impartiaux, La justice est trop vieille et plus adaptée à notre époque, un vrai théâtre où ils sont tous 198 déguisés
, La prison m'a sauvé la vie. J'y ai trouvé un rééquilibre total, côté santé. J'ai été « extrait 204 » plusieurs fois de la prison pour m'amener à l'hôpital de B., faire une radio des poumons, un 205 panoramique dentaire, un bilan complet. J'ai vu l'ophtalmo pour mes yeux
, La prison m'a apporté une santé que je n'avais pas à l'extérieur
, Quand je suis arrivé en prison, je me suis dit : « Tu es là pour un bout de temps, autant 209 en profiter ». J'étais en surcharge pondérale, 130 kilos quand j'y suis entré. Dehors, je me 210 nourrissais mal, charcuterie, fromage, matières grasses, j'avais aussi une très mauvaise dentition
, La première 212 chose que j'ai faite à l'entrée en prison, c'est demander à avoir la CMU, à la CPIP. J'ai fourni le 213 dernier bulletin d'imposition, rempli le dossier en fournissant tous les papiers nécessaires et j'ai 214 eu droit à la CMU. J'ai eu accès à tous les soins dont j'avais besoin. J'ai perdu du poids, une 215 vingtaine de kilos en un an, j'ai demandé à avoir des soins pour mes dents, que j'ai eus
, Avant la prison, c'était les filles, la drogue, la musique et 219 la fête
, Je vivais à 200 à l'heure ; j'ai retrouvé les 24 h dans une 221 journée, avant je vivais 30 h dans une seule journée. À mon entrée en prison, j'avais besoin de 222 retrouver une identité que j
, On m'a amené aussi à faire un vrai travail personnel sur moi grâce à la psychologue de la 224
, que je voyais plusieurs fois par mois, un suivi très efficace
, je ne m'entends pas vraiment avec le psychologue, j'ai 227 l'impression qu'il dort pendant les séances
, Ça faisait plaisir au patron, et ça faisait plaisir aux clients. J'ai eu la mauvaise idée 47 d'accepter de faire des prix à quelqu'un que je connaissais, du quartier où j'ai grandi, qui, en fait
, Un jour, il est venu me proposer de faire le coffre ; dérober l'argent que contenait le 50 coffre. Le loger moins cher, ça faisait partie des accords que mon patron acceptait que je propose
, Quand il m'a demandé de faire le coffre, j'ai pas eu la force de lui dire non
, Je savais que ce que je faisais était mal, mais sur le moment j'ai pas réalisé, j'ai pas pris 53 la mesure de mes actes en fait, c'est clair, je me suis laissé influencer
, admirais beaucoup aussi, que j'appréciais vraiment, j'avais pas 55 vu le vice. Son parcours en prison m'intriguait quelque part, je me suis laissé influencer bêtement
, Un parcours en prison, aujourd'hui, je suis bien placé pour savoir qu'il n'y a rien de bien là-57 dedans, aujourd'hui je saurais faire la différence entre ce qu'il racontait et la réalité. Un jour, il 58 vient, il me donne un téléphone, il me dit qu'il a pas le choix, « prends le téléphone et quand je 59 t'appelle, tu m'aides à faire le coffre ». J'ai pas voulu me dégonfler. Je reconnais ma part de 60 responsabilité
, Une fois en 62 possession du coffre, il s'est retourné contre moi pour me prendre ma part. Il m'a frappé, il m'a 63 volé ma voiture. Il m'a battu, j'ai pris des coups. Il aurait pu tout simplement me la demander, je 64 la lui aurais donnée
,
, Je le dénonce. Pour moi, c'était 71 normal de le dénoncer, vu les circonstances ; il m'a fait trop mal, et ça peut pas rester sans suite 72 pour lui. Donc quitte à prendre, d'accord, je prends mais pas tout seul. L'erreur, finalement, je en prison, pour tous ces gens-là, la prison, quelque part, c'est un bon compromis pour eux, mais 184 pour moi, Quelqu'un que j'admirais pour son parcours, pour 67 ce qu'il était, et surtout en qui j'avais confiance
, et le 186 « petit quartier » deux bâtiments, réservés aux détenus nettement plus calmes, qui n'ont pas 187 d'antécédent de violence. C'est différent, c'est mieux, ça n'a rien à voir ; je suis avec des gens 188 plus bienveillants, des gens qui cherchent à se réintégrer, des gens qui cherchent à oublier la prison 189 et à s'en éloigner. C'est devenu moins pire
, J'ai tellement réfléchi à m'en rendre fou, je pourrais 192 dire, de quoi me rendre fou moi-même. J'ai grandi en prison
, Au moment de commettre le casse, je me disais, « c'est rien, c'est pas grand 195 chose, c'est une grosse entreprise, ils vont s'en remettre, je fais du mal à personne », etc. Alors 196 qu'aujourd'hui, je dis « non, il y a des choses à pas faire dans la vie, et une ligne de conduite à 197 s'imposer », et c'est comme ça que je vois les choses maintenant, Je sais ce qui est à faire et ce qui n'est pas à faire, j'ai gagné la notion du bien et du mal, 194 que j'avais pas avant
, Trouver du travail a facilité les choses, ça m'a 202 permis de convaincre les juges de m'accorder la semi-liberté. Ils ont fini par comprendre que je 203 ne referai pas de bêtise et le premier jour de semi-liberté est arrivé? 204 Les premières minutes de liberté ont effacé tous mes doutes, ma mère m'attendait devant 205 la porte de la prison, elle m'a directement serré dans ses bras
, est derrière moi, tout ça, mais je sais que je vais me retrouver confronté à 208 des situations difficiles
, Ça fait deux mois que je suis en semi-liberté, je me dis que ma vie, je vais la retrouver
, Je rentre le 211 soir en fonction des heures de mon travail que j'ai à respecter ; c'est un bon compromis. J'ai des 212 coupures l'après-midi, je peux en profiter pour aller voir ma famille, et mes amis. Le weekend, le 213 samedi soir après le travail, je peux rentrer chez moi, je ne rentre à la prison que le dimanche soir 214 à 19 h. C'est vraiment quelque chose qui va me permettre de me reconstruire, vol.30
, Ma mère m'a dit tout à l'heure : « Ça y est, je te vois redevenir comme avant ». C'est des 217 mots qui me font plaisir vraiment, parce que même, à ma sortie, je l'ai vue s'inquiéter pour moi, 218 elle voyait que j'étais plus moi-même en prison
, Elle voyait que j'avais des doutes sur tout, sur ce que j'allais être, sur ce que j'allais devenir, et 220 comment ça allait se passer. Je la voyais tellement inquiète pour moi
, Est-ce que je vais pouvoir regagner la confiance que j'avais 222 des gens que je côtoyais avant la prison ? et pour les autres ? ». Les gens que vous connaissez 223 pas savent tous que vous sortez de prison
, on discute beaucoup entre jeunes 225 de la prison ; par exemple, l'autre jour, on avait un petit débat entre nous, la question c'était « 226 pour un million d'euros, est-ce que tu ferais un an de prison ? » Moi, ma réponse est « non ; il 227 n'y a aucune somme d'argent qui vaut même un jour de prison ». Il n'y a aucune somme d'argent 228 qui vaut les larmes de votre mère
, Entretien 5 JCB
, Un multirécidiviste. J'ai une vie tout à fait banale de délinquant 3 récidiviste, un délinquant, rien de plus banal ma vie. Je rentre, je sors de prison
, Mon affaire sera jugée la semaine prochaine, lundi, mardi 6 et mercredi, au tribunal de Nanterre, je passe en correctionnelle, trois jours complets, c'est rare 7 en correctionnelle que ce soit si long, pour autant la justice veut absolument interroger tous les 8 gens en lien avec mon affaire, et il y a 27 personnes au total, je crois, alors trois jours finalement, vol.9
, jamais travaillé de ma vie, la prison c'est ma vie, je l'ai intégrée à ma vie, je suis un 11 voyou, un délinquant depuis l'âge de 20 ans
, Je ne paie 13 pas d'impôt, pas de taxe, c'est mon choix. Un juge, une fois, m'a dit : « Monsieur B., pour faire 14 court et en résumé je dirais que vous êtes un sociopathe ». Peut-être finalement a-t-il raison, moi, 15 je ne sais pas, il a probablement raison, c'est un juge après tout, il sait ce qu'il dit, il peut pas avoir 16 tort
, Je n'ai pas connu mon père, 20 j'ai pas eu de modèle, ma mère avait autre chose à faire que me convaincre de rester à l'école. En 21 1974, j'avais 19 ans, j'étais à l'armée, j'ai déserté. Je me suis retrouvé à Rennes. Je passe devant 22 une voiture, comme ça, par hasard
, Dans la voiture, une R16, je me souviens, les vitesses 24 au volant, dans la boîte à gants, il y avait la pièce d'identité, il y avait un carnet de chèques aussi, 25 je suis monté à Paris avec la voiture, la pièce d'identité et le carnet de chèques, je me suis 26 approprié le tout. C'était à moi. C'est comme ça que j'ai connu ma première arrestation, j'étais 27 aux arrêts de rigueur à l'armée, déserteur
, de vêtements. À 30 l'époque, les magasins n'avaient pas tous les systèmes d'alarme et de protection d'aujourd'hui. Il 31 n'y avait pas d'alarme, c'était simple, il suffisait de? et hop, le tour est joué. Les vêtements de 32 luxe, à l'époque, c'est ce qui rapportait le plus
, On m'a mis avec des escrocs en prison, à Fleury, là, j'ai tout appris et quand je suis sorti, 36 j'ai fait escroc
, Quand on achetait une voiture, dans ces années-là, la préfecture 40 délivrait un certificat de conformité des Mines pour chaque voiture ; alors, j'ai fait de faux 41 certificats de conformité délivrés à la place de la préfecture. J'étais avec le gros H., on l'appelait 42 comme ça parce qu'il pesait bien ses 100 kilos et J.C., eux deux s'occupaient de trouver les 43 voitures, moi, je fournissais les faux certificats
, En tout, j'ai dû faire 20 ans, dans une dizaine de lieux différents en France et à l'étranger
, une vie banale de délinquant, mais j'ai un problème quand même je crois, car tout bien 47 réfléchi, je me fais souvent attraper quand même. C'est un vrai problème
, En tout, je crois que j'ai fait 20 ans dedans, mais en tout, j'ai dû prendre au moins 35 ans 49 de condamnation dans ma vie
, beaucoup de détenus ici ne comptent pas forcément, quand je leur 51 demande, parfois il y a des détenus qui ne savent pas combien de temps ils ont pris en tout, j'ai 52 du mal à comprendre pourquoi ils ne comptent pas, c'est important quand même
, Je sais que je suis passé 17 fois au tribunal et 10 fois, j'ai été en prison. Les autres fois, 54 j'ai eu de la chance, j'ai même fait de la prison à l'étranger
, La vérité c'est que j'ai jamais fait dans le légal
, On prend l'argent, on le met dans un trou, et puis quand quelque chose se passe mal (je me 58 fais arrêter), on vit avec l
, Je ne travaille pas, je ne paie pas 60 d'impôt, pas de taxe, le monde dans lequel j'ai choisi de vivre, c'est celui de la délinquance. J'ai 61 pas envie d'en changer, j'ai pas envie de devenir un autre, je suis bien dans ma peau. Il me faut 62 de l'adrénaline quand je fais quelque chose, il me faut du risque, j'ai besoin de prendre des risques, 63 et il me faut de l'action aussi, j'ai besoin qu'il y ait de l'action. Travailler légal, j'essaierais même 64 pas, je m'ennuierais trop. C'est pas pour moi
, Je suis un délinquant indépendant, autonome. Un escroc
, Attention, quand je parle d'escroquerie, mes escroqueries, rien en dessous de 100 000 ?
, Et de préférence avec les banques, j'ai moins de scrupule, 69 tout le monde sait que ce sont les plus gros voleurs. Les banquiers, les sociétés de crédit, les 70 assurances, ils volent les gens ; c'est de l'esclavage, nous en quelque sorte
, Le dernier concept que j'ai inventé, c'est le montage de dossier de crédit de voiture ; avec parfois 72 3 voitures en même temps, ça me faisait gagner jusqu'à 50 000 ? par mois. Je m'en sors bien, mais je suis quand même souvent dedans
, passé plus de 20 ans dedans, la moitié de ma vie d'adulte, c'est un gâchis énorme. J'ai pas 189 pris le bon chemin dès le début de ma vie, et puis après, j'ai suivi celui qui était le plus facile, le 190 plus évident pour moi. Vers la trentaine, j'aurais pu bifurquer vers une vie normale, j'y ai pensé 191 et je l'ai envisagée aussi
, Problème de rupture, de logement, de fonctionnement, je n'ai pas 194 toujours eu, comme c'est le cas aujourd'hui, une femme qui m'attendait bien sagement pendant 195 que je suis dedans, Et puis il y a eu des situations familiales pas très confortables pour moi qui m'ont obligé à 193 continuer dans cette voie-là
, Je ne culpabilise même pas pour ce que je fais, pour moi c'est tellement évident que les maisons 197 de crédit et les banques sont des escrocs assermentés
, La seule chose pour laquelle je pourrais culpabiliser quand je suis dedans, c'est pour mes 199 enfants, parce que je les vois pas grandir ou peu. Ils me connaissent, ils savent ce qui peut 200 m'arriver du jour au lendemain, ils ont l'habitude, je pense qu'ils préfèrent avoir un père qui leur 201 dit la vérité plutôt que de leur raconter des mensonges
, En y réfléchissant bien, je me demande si c'est pas mieux pour eux, comme ça, plutôt que d'avoir 203 un père dépressif, qui ne fait rien et tourne en rond toute sa vie. Moi quand je suis en plein 204 business
, Rien est facile en prison, c'est le caractère de la personne qui fera que c'est plus ou moins 206 compliqué et difficile à vivre. Pendant les années où on peut rien faire d'autre que rester enfermé, 207 moi, j'en profite pour m'instruire, lire, découvrir des activités culturelles, je sais que, d'abord ça 208 fait passer le temps, mais ça me permet aussi d'apprendre des choses qui vont me servir dehors
, En prenant de l'âge, peut-être ça risque de devenir 211 plus difficile, pour moi, mais pour l'instant, j'y arrive plutôt bien, et je me porte bien, dans 212 quelques mois
, je me fais attraper la première fois pour trafic 46 de stup, vol.deal
, Mon premier pseudo, c'est « La malle », depuis tout petit, tout le monde m'appelle 48 comme ça, Ça remonte au temps où je « sévissais » en bandes de gamins organisés dans la cité
, On attendait, cachés derrière un buisson que la voiture des flics passe et on 51 jetait des cailloux dessus. Un jour, ils nous tendent un piège, parce qu'ils n'arrivaient jamais à 52 nous pincer. Ils sont plus nombreux que d'habitude dans la voiture, on s'en doutait pas et ils 53 arrêtent tout le monde, sauf moi, parce que je cours, je cours plus vite que tous les flics ce jour-54 là. Les quatorze copains se font arrêter, ils se retrouvent tous dans le couloir du commissariat, ils 55 se comptent, et il en manque un, toujours le même, Aux quartiers, on a fait beaucoup de bêtises, des coups, en bandes, plein de fois, on se faisait 50 courser par la police
, car jamais dans mon quartier je me suis fait arrêter par les flics. J'ai 58 volé des scooters, des voitures, j'ai fait des cambriolages, j'ai tout fait dans mon quartier, je 59 compte pas le nombre de fois où je me suis fait courser par les flics
, À l'école, la seule matière que j'aimais c'était le sport, l'athlétisme. Courir, j'ai appris comme un 61 vrai sportif, je me suis entraîné, ça m'a beaucoup servi pendant longtemps, je cours avec mes 62 jambes, mais il faut savoir courir avec sa tête aussi, sinon
, Pour les stup, c'est pas pareil, ils viennent directement te chercher, au saut du lit, le matin, 65 chez toi
, que je 68 soutiens, j'adore le foot, mon joueur préféré, c'est Suarez et son surnom c'est El Pistolero ; et 69 puis j'aime aussi les armes. Je ne suis jamais tombé pour trafic d'armes mais, je suis toujours 70 armé, on sait jamais, s'il arrivait quelque chose, là
, Pour ma part, au tout début, c'est plus pour m'en sortir que pour l'argent, remplir le frigo 72 de ce que ma mère achetait jamais. J'ai commencé à dealer
, Et puis, à la rentrée des classes, je vois les jeunes, ils sont là avec leurs parents, ils achètent 74 plein de trucs, les dernières baskets, de beaux vêtements à la mode, Nous
, On était que deux enfants à la maison, c'est pas beaucoup, ma mère est femme de 77 ménage, elle a toujours travaillé, mon père est cuisinier, mais il était pas là. C'est ma mère qui 78 nous a élevés, avec deux enfants à charge. Des revenus très bas, avec ça, comment faire plaisir à 79 ses enfants, c'est très dur pour elle. Malgré le fait qu'elle travaillait beaucoup, ma mère a toujours 80 été présente pour nous, c'était plutôt nous qui n'étions jamais là, mais elle avait pas les moyens de nous acheter ces 76 trucs-là
, Il y a des pays, comme en Afrique, ces choses-là tout le monde n'a pas 85 forcément. Nous, on manquait de rien à ce niveau-là. Elle partait très tôt le matin pour pouvoir 86 rentrer de bonne heure l'après-midi, et être avec nous, mais nous, on était jamais à la maison, dans le sens où on mangeait toujours à notre 83 faim, en gros les choses essentielles de la vie, on les avait, vol.87
, On s'en rend même pas compte ; c'est facile, ça marche ; ça devient le quotidien. Des 89 délits de plus en plus nombreux, des gains de plus en plus gros. Je pèse
, Je demandais aux gens que je rencontrais, pourquoi tu fais pas 181 de la musique ? Comment tu fais pour vivre sans faire de musique ? 182 Je me suis souvent demandé comment ne pas aimer la musique alors que c'est tellement 183 plaisant. Pour moi, la musique, c'est magnifique, je comprenais pas que des gens passent à côté 184 de la musique
, Je me dis « comment on peut aimer la voile, c'est trop compliqué, c'est quand même 193 beaucoup plus facile d'avoir un ballon de foot pour jouer au foot, et aimer le foot qu'un voilier ? 194 » Pendant que lui, qui connaissait pas les règles du foot, il se disait, de son côté, « mais comment 195 courir après un ballon, ça peut intéresser à ce point quelqu'un ? et autant de gens aussi ?, Et 196 là, je lui ai répondu : « Je vais t'apprendre les règles du foot et toi tu vas m'apprendre le monde 197 de la voile
, Du coup, c'est pareil, j'ai des gens autour 201 de moi qui me disent « regarder tourner des voitures pendant des heures sur un même circuit, 202 des fois pendant 48 h d'affilée ? quel intérêt ? comment tu peux aimer ça ? » Depuis, je comprends 203 mieux les gens, je respecte ce que les gens aiment, leur passion, même si c'est autre chose que la 204 musique
, Le succès, la 208 reconnaissance mais pas d'argent. Pas assez, Après la sortie du premier album, c'était super bien, beaucoup de concerts, mais avec tout 207 l'argent qu'on a investi dedans, on a pas eu beaucoup de retour financier
, C'est le monde de la 212 musique et des artistes, tu peux être très fort, bien rapper, bien chanter, avoir des textes super, être 213 un très bon, mais si tu as pas les gens qui viennent te voir, le public qui te connaît ; tu peux ne 214 jamais percer, ne jamais avoir cette visibilité-là
, En fait, j'étais content parce que je venais de réaliser ce que je voulais depuis tout petit, 217 je venais de faire ce dont je rêvais depuis des années, une belle musique, des beaux clips, des 218 belles affiches partout en France, des concerts, des avant-premières de gens célèbres
, tant de temps, tant 221 d'argent, c'est ma passion, OK, mais qu'estce que j'ai aujourd'hui, ça m'a rapporté quoi ? » 222 Je kiffe, c'est bien beau de kiffer, mais attention. Alors, je travaille un deuxième projet, 223 je m'investis au moins autant mais je cherche à savoir si c'est bien, avant de me plonger dedans 224 à fond. La musique, c'est éphémère, pas facile d'en vivre, on a bien compris, avec mon associé, 225 on va ouvrir un restaurant ; on continue la musique, bien sûr, en parallèle, comme ça au moins, si 226 demain ça marche pas assez
,
, Je disais à mes employés : « Tu vois, toi, quand tu rentres chez 231 toi, tu penses plus au travail, tu penses à ta famille, à ton copain, quand tu es patron, même quand 232 tu n'es pas dans l'entreprise, tu y penses quand même ». Penser à faire les courses, est-ce qu'il y 233 aura du monde aujourd'hui, combien de clients ?? est-ce que ça va bien se passer en salle ? Il y 234 a toujours un problème, tous les jours il y a des problèmes, un jour c'est le frigo qui s'arrête, un 235 jour c'est la serveuse qui est malade, un jour c'est un client qui râle, il faut toujours être présent, Ça a bien marché
, Depuis que je suis tout petit, j'ai toujours été comme ça, je n'aime pas me lever pour un 238 patron. Pour moi, c'est un calvaire de me lever le matin et d'être obligé de faire des choses, que 239 je kiffe pas, j'aime bien me lever en me disant que je vais faire des choses pour moi
, je leur disais, c'est super d'être patron, moi, je me lève 241 tous les matins à 10 h, 11 h parfois, et personne ne me crie dessus. Il faut pas oublier que quand 242 on est patron, il y a d'autres responsabilités qui vous tombent dessus ; c'était épuisant 243 mentalement et physiquement aussi. Mais c'était une belle expérience quand même, moi, Je faisais des blagues à mes potes
, On vend le restaurant parce que c'est trop dur pour lui de tout 248 assumer. Dès que je vais mieux, je reprends la musique, que je n'ai jamais laissée tomber. Le pire 249 pour un artiste, c'est le temps qui passe, ça passe trop vite, tu sors un morceau, il marche, tu mets 250 4 mois pour en sortir un autre, mais entre-temps, le public t'a oublié, il est déjà passé à autre 251 chose. Donc, toi, tu reviens 4 mois après
, un autre 255 artiste déjà confirmé sur la place, déjà connu, te valide et te porte. Je suis un artiste réputé, je vais 256 mettre en avant cette personne, c'est un jeune talent, il le mérite, je vais le porter, ça va aider sa 257 carrière, le faire connaître. Moi, j'ai pas, j'ai personne. Je n'ai que mon histoire à moi sur laquelle 258 je vais m'appuyer
, Mon histoire de gosse des cités qui court toujours plus vite que les flics, qui rêve d'avoir 260 de l'argent et devient dealer. Un parcours de récidiviste, j'entre et je sors de prisons plusieurs fois, 261 je me fais attraper, je recommence. Non, mais ma vie
, La deuxième fois que j'entre en prison, c'est sur la base d'une dénonciation, trafic de 263 stup. Qui, en fait est un faux témoignage. Avec un casier judiciaire d'ex-trafiquant de coke qui 264 parle pour moi, la police ne me croit pas
, En comparution immédiate, la juge hésite et puis finalement, même s'il n'y a pas grand-266 chose qui me relie à cette histoire
, Quand je dis trafic de stup, je parle de cocaïne, en fait moi, j'en consomme, pas de la 270 coke, trop dangereux, ça dégrade les gens, c'est de la drogue dure, La troisième fois, je rentre pour stup aussi, trafic de stup, vol.269, pp.2015-2016
, Je rappe pour expliquer ce que les jeunes doivent éviter de faire pour aller en prison
, La prison n'est pas inscrite dans mon parcours, j'y suis allé, mais j'ai pas du tout 365 l'intention d'y retourner, dans mes chansons je suis très clair
, Personne n'est à l'abri d'aller un jour en prison, mais il ne faut rien faire qui t'y amène, 367 c'est ça mon message auprès des jeunes des quartiers
, Ça 370 veut pas dire qu'il faut aller en prison, ça veut pas dire que c'est bien la prison, colonie de vacances 371 tous frais payés, j'ai jamais dit ça, c'est pas ça le message. J'ai pas fait ces vidéos pour
, C'est de l'humour, pas de la provoc non plus
, on passe de chouettes moments de 375 rigolade avec les potes, regardez comme on s'amuse ». Si c'est tout le temps ce que je montre de 376 la prison, je tourne la prison en rigolade, j'ironise pour faire réfléchir les gens parce que montrer 377 que la prison c'est moche, c'est gris, c'est sale, tout le monde l'a déjà dit, moi, je veux sensibiliser 378 les gens du dehors en leur montrant que ceux qui sont derrière les barreaux sont des êtres humains
, Comme tous ces gens qui regardent la télévision, les émissions de téléréalité, les jeux télévisés, 381 tranquillement chez eux tous les jours, nous aussi, comme eux
, en allant en prison, c'est pas de la 383 rigolade, il faut pas prendre ça pour de la plaisanterie
, Si j'avais pas été en prison, j'aurais continué dans mes trafics, c'est sûr
, Je me suis rendu compte de beaucoup de choses en prison, et ça m'a bonifié, tu te rends 387 compte que tu as fait des choses qui étaient pas bien
, non seulement c'était pas bien, mais c'était 389 pire que ça même. J'ai réalisé que jamais j'aurais dû faire ça
, plein de conneries, que je n'aurais pas dû faire, c'est dans ce 391 sens-là que la prison bonifie. C'est comme à l'école
, Si je suis allé en prison, c'est pas de la faute aux autres, aux juges, aux flics ; j'en veux à 394 personne, je ne suis pas sorti de là, plein de haine, en voulant me venger sur ceux qui m'ont mis 395 là, c'est juste de ma faute à moi. C'est comme le fait d'avoir cru que j'avais des amis, c'est de ma 396 faute, je leur en veux pas, c'est moi qui me suis trompé sur eux. Pareil, si j'avais pas fait de 397 conneries, je serais pas allé en prison, donc c'est à moi que j'en veux
, Pour avancer, il faut savoir se remettre en question, s'interroger et comprendre ce qui 399 s'est passé, où j'ai fait les conneries. Ça s'appelle se responsabiliser et ne pas trouver un fautif à 400 son erreur autre que soi-même
, Tu m'envoies en prison, parce que tu m'as attrapé, parce que j'ai fait des choses pas bien, 403 c'est ni la faute du flic qui m'a pris, ni celle du juge qui m'a incarcéré, non c'est ma faute. C'est 404 moi qui ai fait la connerie, et j'apprends. Je ne perds jamais, car quand je gagne
, me lie pas forcément d'amitié avec les jeunes de mon âge. Il faut vraiment que j'aie confiance
, Pour gagner ma confiance, il faut que la personne ne parle pas dans mon dos, qu'elle soit réglo 48 avec moi, sinon, j'ai pas confiance. Pour les filles, il faut qu'elles soient gentilles
, Mais, ça va 51 pas non plus, mes parents étaient à peine à deux kilomètres, j'aurais pu aller les voir à vélo, 52 tellement ils étaient proches, et je ne suis toujours pas avec ma mère. Nous sommes toujours 53 séparés. Ça a duré quatre ans, jusqu'en 2010. J'aurais préféré revenir chez ma mère, je reviens à B., je suis placé cette fois dans une famille d'accueil, 2006.
, Une mise en scène, un scénario, 56 c'était surjoué ; je vois bien qu'ils font ça pour toucher le chèque à la fin du mois. Ils ne m'ont 57 jamais proposé de faire des activités, des sorties, et moi, j'ai jamais rien demandé. Il y avait deux 58 autres jeunes avec moi
, En sortant du lycée, des fois, j'allais voir mes parents, une semaine sur deux, j'allais voir ma mère 60 ou mon père. Et pendant les vacances seulement s'ils avaient le temps de s'occuper de moi
, Je venais de terminer un stage de trois semaines dans une grande surface de chaussures, 62 genre la Halle aux chaussures, ou Gémo, pour être vendeur magasinier, je cherchais à signer un « 63 contrat jeune majeur
, On avait prévu de passer une journée tranquille avec ma copine pour fêter mes 18 ans, 65 une promenade au bord du lac, le soir, on était invités à une fête. J'ai acheté de l'alcool, 2 66 bouteilles de Vodka et une de Coca pour elle, la Vodka avec du Coca, c'est moins fort pour elle
, On s'est connus au lycée, elle était dans le même 68 atelier de métallerie que moi, c'était la seule fille d'ailleurs et c'est pour ça qu
, nous sommes séparés, je n'ai plus de nouvelles d'elle depuis plus de 4 mois
, Elle a été incarcérée sur un autre lieu
, On avait bu tous les deux, je me suis fâché. J'étais allongé 73 au bord de l'eau et je le voyais essayer de la toucher, il faisait ça devant moi, On était tranquilles au bord du lac, et son ex est arrivé, il a décidé de s'incruster entre 72 nous
, pas envie de rentrer dans les détails parce que la scène je la revois toujours, j'ai 76 toujours les images dans ma tête, ça revient dès que j'y repense, même avec le temps, c'est 77 toujours là
, temps pour réfléchir, la seule question qui me vient c'est : « Je 79 la laisse comme ça toute seule ou je l'aide ? » Avec les effets de l'alcool, je me dis « qu'est-ce 80 que je fais au milieu de tout ça ?
, Au jugement, ils ont parlé de plus de 60 coups de couteau, moi, je sais plus vraiment
, Mais je devais l'aider, puisque c'est ma copine, normal. Vous n'auriez pas fait la même chose à 83 ma place, p.84
, On fait 85 brûler sa veste à elle, parce qu'il y avait plein de sang dessus, pour s'en débarrasser. Je la 86 raccompagne chez elle, on se promet de ne pas se balancer entre nous ; elle avait peur, elle était 87 stressée. Je la réconforte. Je la dépose devant chez elle et je rentre à pied jusque chez ma mère où 88 j
, Il est très tard dans la nuit, je prends une douche, je me débarrasse de mes vêtements, 90 pleins de sang, je m'allonge sur le lit et je me dis que tout va bien se passer, que ça va aller
, Le lendemain, la police vient me chercher, direction le commissariat, et très vite, c'est la 92 garde à vue
, heures d'interrogatoire, moi, j'aurais pu tenir plus 94 longtemps, ne rien dire même. Mais elle reconnaît les faits, vol.2
, Je suis condamné à 20 ans de réclusion criminelle dont 10 ans de sûreté, elle était mineure
, je ne sais pas si elle est sortie, elle a fait quelques bêtises au quartier femmes 99 où elle est incarcérée
, J'essaie de mettre les compteurs à zéro, à tous les niveaux, je sais que tous les deux on 101 sera liés à vie par cette histoire, c'est normal, mais aujourd'hui il n'y a plus de sentiment amoureux 102 pour elle
, Le 2 septembre, c'est mon anniversaire, j'aurai 25 ans ; ça fera 7 ans que je suis dedans
, loupé tellement de choses importantes pendant ces 7 années, ma famille, les plaisirs 107 de la vie et puis aussi les moments graves comme le décès de mon père, où j'aurais préféré être 108 là. Je suis très triste pour ma famille, ils sont les dommages collatéraux, comme on dit dans les 109 films
, La prédiction est arrivée, pour moi, c'était comme si tout ce qui est arrivé était déjà écrit
, Foyer, famille d'accueil, commissariat, et finalement prison, j'ai passé toutes les étapes, étape par 112 étape
, Il est environ 22 h du soir, je regarde tout autour de moi, les surveillants, les bâtiments 118 de l'entrée, les barbelés, tout est sombre, gris et froid ; les caméras fixées sur moi me suivent 119 partout jusqu'à ce que je rentre à l'intérieur de l'enceinte? Je me suis dit : voilà, je suis arrivé 120 en prison pour mon crime et je risque de rester un bon moment entre ces murs. Quand j'étais à 121 l'extérieur, avant que je sois enfermé, plein de monde m'avait dit qu'un jour j'irais en prison 122 pour avoir fait une grosse connerie. Et quand ils me disaient ça, je me moquais d'eux, mais en 123 réalité, ils savaient eux, tous, et ils avaient tous raison. Car quand j'étais plus jeune à l'extérieur, 124 j'ai fait pas mal de conneries qui ont tellement fait de mal aux gens que j'aime et que je regrette 125 énormément depuis? J'avais plein de choses en tête? Arrivé enfin dans la cellule, je me suis 126 alors allongé dans mon lit pour me plonger dans mes pensées. À ce moment-là, je pense 127 énormément à ma famille, au mal que j'allais leur faire quand ils apprendront que je suis écroué 128 au B. Mais aussi beaucoup à ma copine qui me manque et qui est dans la même situation que 129 moi, à être enfermée entre quatre murs. Et pour ensuite m'endormir sur les coups de 2 h du matin, 130 pour enfin oublier cette journée marathon qui m, Je me souviens des premiers moments 115 en prison. Quand je suis arrivé le 4/10/2010 devant la grande porte en acier de la Maison d'arrêt 116 de B., j'étais enchaîné et escorté par les deux flics qui m'ont emmené dans leur Peugeot 206 117 blanche
, être dans ce genre de situation, police, garde à vue, juge, tout 135 ça, je connais bien depuis l'âge de 12 ans, p.136
, Jusqu'au procès, je suis dans l'attente, je prévois rien 137 parce que je ne sais pas ce qui va m'arriver
, arrivé en prison, je décide de m'adapter à la nouvelle vie 139 qui va être la mienne pendant longtemps
, La prison, finalement, c'est une sorte de foyer, mais en plus grand, les barreaux et les 141 barbelés en plus
, Ici c'est plus dangereux quand même, c'est la 143 jungle. Je me fais le plus discret possible, pour être dans mon coin tranquille, je ne m'occupe pas 144 des affaires des autres ; j'évite les embrouilles. Je ne suis pas un enfant de choeur, Au foyer, je pouvais pas sortir non plus
, Au tout début de la détention, ça me permettait d'être plus 146 tranquille, moins stressé et de voir les choses différemment. Et puis il fallait bien me faire 147 apprécier et respecter des autres détenus, je devais rentrer dans le moule, il y a tellement de 148 personnes qui fument en prison. Tout le monde sait qui vend du shit ici, j'échange contre 10 ? de 149 cantine. Je fume principalement le soir dans ma cellule, histoire de me détendre après la journée 150 au travail et aux cours
, Ça me permet surtout d'oublier que je suis enfermé ; c'est la principale raison en fait. S'il n'y 152 avait pas le shit en prison, ce serait l'anarchie totale ici. Ça calme les gens, ça crée une bonne 153 ambiance entre nous
, la prison, j'avais 14 ans, quand j'étais au foyer, c'est 155 les gars du foyer qui m'ont fait fumer, 2 ou 3 taffes les premières fois, et puis après, j'ai continué 156 avec ma copine. Elle fumait, beaucoup plus que moi. Elle s'en procurait auprès des gars du 157 quartier qui en vendaient
, C'était l'époque où tout était possible et rien était interdit
, alcool? 160 On était en bande de 5 ou 6 copains, bien organisés, c'était comme des défis qu'on se 161 lançait entre nous, je voulais essayer toujours plus, alors je tentais toujours plus, vol.162
, je passais à la caisse ma bouteille de Coca 165 pendant qu'elle passait les bouteilles d'alcool dissimulées dans son pantalon, les caissières n'y 166 voyaient rien. Et puis si ça se mettait à sonner
, était surtout pour faire la fête entre jeunes, on invitait des gars et on buvait 169 ensemble
, L'éducateur venait 171 me chercher, il essayait bien de me raisonner, mais ça rentrait dans une oreille et ça sortait direct 172 de l'autre côté. Je faisais pas attention à leurs conseils, je les appréciais pas spécialement, donc 173 tout ce qui pouvait venir d'eux, je l'écoutais pas. J'écoutais pas ma mère non plus quand elle me 174 sermonnait
, je savais que c'était pas bien
, La police et les éducateurs, ils ont toujours le même langage de toute façon, pourquoi les 178 écouter, c'est toujours la même chose. Parfois, on buvait entre les cours, on revenait en atelier et 179 c'est toute la classe qui était pompette
, Centre de détention, je suis seul dans ma cellule, c'est le luxe. 3 ans et 181 demi en doublette à B., j'ai eu plus de 20 codétenus dans ma cellule en tout
, pas simple à gérer la détention, dans ces conditions, vous pouvez tomber sur des vieux, des 183 jeunes
, C'est très compliqué de se retrouver à plusieurs en cellule. J'ai retrouvé des jeunes que je 185 connaissais de l'école primaire, de mon collège et surtout de mon quartier
, Je suis tout seul, j'ai ma télé, mon étagère, mes livres, mes CD
, En ces moments, je lis Game of thrones, je lis le premier tome et j'adore. J'aime bien la 188 série, mais dans le livre, il y a plus de détails, j'aime mieux. Depuis 2011, depuis la Maison 189 d'arrêt, j'arrive à suivre la série sur canal + dans ma cellule
, Ici je bois pas, je fume de moins en moins, je fais beaucoup de sport, du cardio
, Je profite de tout ce qu'on me propose de faire ici, pour vivre le mieux possible ma 193 détention, pour m'occuper surtout, ne pas rester sans rien faire dans ma cellule
, Je vais en cours et je travaille pour passer le CAP Vente, sur 197 2 ans. La première année j'ai eu 16/20 de moyenne générale
, Je ne me pardonnerai jamais de ne pas avoir été avec mon père pour le soutenir jusqu'à 202 la fin. Ma relation avec lui était malheureusement moyenne parce qu'il buvait souvent et 203 beaucoup, mais malgré ça, on s'aimait tous les deux très fort. Je suis persuadé qu'il s'est mis à 204 boire de plus en plus à partir du jour où il a su pour moi, il est venu me voir en prison, il était 205 triste au parloir, je voyais qu'il se retenait de pleurer devant moi, il ne me l'a jamais dit
, Pour moi, 211 cela aurait été la plus grande honte de voir les yeux de toutes les personnes que j'aime me juger 212 en face pour mon crime. C'est pour ça que j'avais dit non, car pour moi tout cela était de ma 213 faute pour la maladie de mon père et le fait qu'il soit décédé. C'est donc à partir de ce jour que 214 j'ai décidé de tout faire pour "m'enrater" en prison, cela veut dire bien travailler à l'atelier, 215 aller en cours et avoir un bon comportement avec les autres détenus. Pour que mon père soit fier 216 de moi et que je, écrit en détention : « Le chef de détention m'a proposé de me 209 rendre à l
, eu peur en fait de ce que les gens allaient penser de moi en me voyant
, Je sais que j'aurai eu les menottes aux mains avec la chaîne autour de la taille qui va 220 jusqu'aux pieds aussi, je voulais pas avoir honte. L'une des premières choses que je ferai en 221 sortant
, écrit en détention : « Au début, pendant ma première année 224 de prison, j'ai eu beaucoup de rapports d'incident pour des bagarres avec les détenus, pour avoir 225 mis le son de la télé trop fort pendant la nuit et avoir répondu souvent aux surveillants de 226 détention. C'est après la mort de mon père, la deuxième année, que je me suis calmé, p.227
, Entretien 8 Liana
, Rien ne doit m'arriver 3 jusque-là, si je veux retrouver ma liberté
, je traverse hors des clous, je retourne en prison, alors je joue le jeu
, Les sorties, les loisirs, ce n'est pas ma priorité. C'est une épée de Damoclès juste au-7 dessus de ma tête, même si apparemment je vis comme tout le monde, dans la réalité, ce n'est pas 8 vraiment tout à fait cela
, Il faut que j'arrive à tourner 10 la page », me disent mes amis. Non et non, je ne peux pas, je ne tournerai pas la page, faire comme 11 si rien ne s'était passé ? La seule chose que je puisse faire c'est apprendre à vivre avec ce qui 12 m'est arrivé, je ne tournerai jamais la page, ce n'est tout simplement pas possible. Ça, personne 13 ne le comprend, autour de moi
, alors ingénieur 16 des Ponts et Chaussées, travaillait souvent à l'étranger, j'ai vécu au Sénégal, à Dakar, avant 17 d'arriver définitivement en France, vers 1975, où nous nous sommes installés, en région 18 parisienne. Nous avons beaucoup voyagé au gré de ses déplacements durant toute mon enfance, 19 pendant les vacances scolaires. J'ai eu la chance d'aller régulièrement en Angleterre, de découvrir 20 l'Irlande, et de passer un mois en Australie (Brisbane). J'ai reçu une éducation assez stricte, et 21 étais scolarisée dans des établissements privés, catholiques ; j'ai un grand frère, adopté aussi, qui 22 a 3 ans de plus que moi
, Je suis devenue maman très jeune ; j'étais une « gamine », je n'avais que 19 ans lorsque 24 ma première fille est née. J'ai poursuivi mes études universitaires en littérature, langues, option 25 philosophie le plus longtemps possible et, pour trouver du travail rapidement, j'ai dû passer un 26 BTS de secrétariat de direction, dans un établissement privé. J'ai effectué quelques petits jobs de 27 jeunes
, En avril 2012, nous partons en lune de miel en 32 République dominicaine. J'aurais préféré partir vers un lieu plus proche, j'ai horreur de prendre 33 l'avion. J'avais plutôt pensé à l'Espagne, mais l'une de mes amies nous avait convaincus que, 34 pour une lune de miel, il fallait partir loin de chez soi, pour un vrai dépaysement. Elle nous 35 conseille la République dominicaine parce qu'elle y était allée récemment. Finalement, je me 36 laisse convaincre malgré mes fortes appréhensions, Trois autres enfants vont naître en, 2001.
, sur place nous nous apercevons que la destination n'était pas forcément la meilleure 40 de l'île, pour des vacances au soleil, sur les belles plages, car nous étions dans la province de 41 Puerto Plata, côté océan atlantique et pas mer des Caraïbes. Le même séjour à Punta Cana, par 42 exemple, aurait été probablement mieux, mais? ce n'était pas le même budget. Nous sommes en 43 Club, à l'hôtel tout est très bien, tout va bien, papa, maman, et notre fils, qui se réjouit de son 44 séjour, seul avec nous et devient même le petit prince des lieux, il fait craquer les adultes, nous profitons pleinement tous les trois de ces quelques jours 39 idylliques
, Nous n'avons pas été fouillés, nous n'avons pas été officiellement auditionnés, tout cela 93 nous paraît être une véritable mascarade. Vers 23 h, une avocate, se trouvant dans l'aéroport, par 94 hasard, vient nous proposer son aide, que nous refusons car nous n'avons rien à nous reprocher
, Quand on est innocents, que nous n'avons rien à nous reprocher, alors pourquoi l'accepter ? Des 96 mois plus tard, je comprendrai que nous sommes au milieu d'une histoire de trafiquants qui a mal 97 tourné entre eux, dans laquelle policiers, douaniers et militaires corrompus se disputent la 98 marchandise
, Ce qui suit est très difficile encore pour moi à raconter, cinq années ont passé depuis, je 100 n'ai rien oublié, mais j'ai toujours autant de mal à en parler
, Une femme se présentant comme 103 officier de police, m'arrache notre fils des bras, je suis choquée car je ne comprends rien et je ne 104 sais ni où l'enfant va être conduit, ni où nous serons emmenés mon mari et moi. Elle finit par me 105 dire que notre fils dormira chez sa mère ! Aujourd'hui encore, je m'en veux terriblement de ne 106 pas avoir défendu mon bébé plus que ça, j'ai laissé cette femme prendre mon enfant, trop 107 facilement, j'ai du mal à revivre ce moment et je regrette de ne pas avoir essayé de le protéger 108 plus et mieux que ce que j'ai fait. Je m'en suis voulu pendant très longtemps, j'en ai parlé à mon 109 mari et plus tard à mes voisines de cellule en prison. Elles m'ont rassurée en m'apprenant que si 110 j'avais opposé la moindre résistance, j'aurais été battue devant l, nous sommes tous les trois séparés, puis nous sommes menottés et 102 transportés, sans aucune explication
, une espèce de cabane gardée par 113 un policier assis devant une table avec un ordinateur, je vais passer le reste de la nuit seule avec 114 lui. Il me propose de m'allonger sur une paillasse infecte posée par terre, je pense au pire, il va 115 peut-être me violer, je ne sais pas ce qui peut m'arriver, mais il est gentil et ne s'attarde pas sur 116 moi. Avant que le jour ne se lève, il m'amène très vite dans une cellule encore plus sordide où je 117 comprends que j'aurais dû passer la nuit. Je me retrouve assise par terre, sur de la terre battue, 118 seule avec des insectes que je n'identifie pas
, je suis plus inquiète pour mon mari que pour moi, il ne parle pas la langue, 121 je sais qu'il se sent perdu et je pense à mon fils que nous reverrons, finalement
, Nous sommes tous les trois séparés, c'est cela qui me perturbe le plus, la famille est dissoute, 123 j'imagine le pire
, amène au tribunal, j'y retrouve Christophe ; juge, 125 procureur et avocat nous y attendent. La séance dure quelques minutes à peine, nous apprenons 126 que nous sommes en garde à vue, qu'elle est prolongée pour les besoins de l'enquête, il n'y aura 127 jamais d'enquête en fait
, Plus tard, je serai enfermée dans ce qui pourrait s'appeler une cage, sans fenêtre, une 130 ampoule au plafond, des barreaux fermés avec un gros cadenas, pas d'aération, du sable au sol, 131 où se trouve déjà amassée une dizaine de femmes, avec un seau au milieu pour faire pipi, pas de 132 quoi s'assoir non plus, sinon quatre tapis de gymnastique pour neuf femmes toutes serrées les 133 unes contre les autres dans moins de 11 m²
, est dans une cellule pour hommes, identique à la mienne, juste en face, 135 de l'autre côté du couloir, ils sont plus nombreux et ne peuvent dormir qu'en position assise
, Une des femmes de la cellule m'agresse, je me fais voler tout ce que j'ai sur moi, mes 137 bijoux, mes chaussures, les cigarettes, tout y passe. Les autres me fouillent entièrement, p.138
, Le matin, j'ai la visite 140 d'une personne de l'ambassade de France ; elle me demande si j'ai besoin de quelque chose, je 141 lui dis qu'il faut nous sortir de là, le plus rapidement possible car nous sommes innocents, mon 142 mari et moi ; elle me répond : « Oui bien sûr, c'est ce qu'ils disent tous, j'apprendrais plus tard que parfois certaines détenues entrent avec un couteau ou une arme 139 dissimulée sur elles, et qu'il pourrait y avoir un carnage dans la cellule
, Je n'ai plus peur de rien, je pleure de colère ; la colère a remplacé la peur, on m'a enlevé 150 mon enfant, je ne pense plus à ce qui risque de m'arriver à moi ou à Christophe, je pense à mon 151 bébé ; j'ai quatre enfants en France ; je réagis en maman, on m'a arraché des bras mon dernier et 152 plus petit enfant. Je me demande s'il a peur, s'il mange bien, s'il dort bien ; il n'a plus son papa 153 et sa maman, je ne pense pas à ma vie, mais à celle de mon fils qui est plus importante. L'avocate 154 qui devait nous défendre au tribunal n'a servi à rien, elle m'a proposé de me faire rencontrer des 155 personnes qui seraient disposées à nous faire sortir de là, mon mari et moi. J'ai bien compris de 156 quoi il s'agissait, et j'ai refusé son aide, réalisant trop bien que ce sont assurément les mêmes 157 personnes qui nous ont placés là qui, moyennant une certaine somme d'argent, En tout, nous restons trois nuits en garde à vue au même endroit avant d'être transférés et 145 emprisonnés définitivement
, Je suis incarcérée le 2 mai 2012, mes appels à l'ambassade de France restent sans réponse 161 ; personne ne sait où se trouve mon fils. Je ne m'alimente plus, je ne dors plus ; il fait environ 40° 162 à l'ombre, la promenade, dans la cour à l'extérieur, est impossible tellement la chaleur est 163 prenante
, Quand le moment de la séparation arrive, c'est la fin de 167 la visite, Nathan doit repartir avec son grand-père, j'entends mon fils pleurer et hurler jusqu'à la 168 sortie de la prison, Mon père nous rejoint dix jours après, il va récupérer notre fils, qui avait finalement été 165 placé dans un orphelinat pour sa sécurité et je revois enfin Nathan, au parloir, dont je n'avais 166 aucune nouvelle depuis trop longtemps
, beaucoup souffert derrière ces murs ; on m'a battue, j'ai été violée par une détenue 170 et une garde, j'ai voulu en finir, mais la plus grosse douleur, celle qui m'a fait le plus souffrir, 171 ceux sont les hurlements de mon fils que l'on m'arrache
, L'enfant parti avec son grand-père, je me raisonne, il est en sécurité maintenant
, il va retrouver ses frères et soeurs, entouré par ma famille, il ira mieux. Nous trouvons 174 d'autres avocats plus sérieux
, Il avertit sa 178 compagne qu'à partir de maintenant et, jusqu'à ma libération, son seul objectif sera de faire 179 revenir sa petite soeur en France, libre. Elle accepte, le projet du bébé est mis en « stand-by
, Ma belle-soeur accouchera quelques jours avant ma libération définitive
, Il me fait 184 passer des caps de trois mois en trois mois en me disant à chaque fois, que je n'en ai plus que 185 pour trois mois à tenir, et après, ce sera fini. Je le crois bien sûr, je lui fais confiance et j'avance 186 comme ça, avec des échéances de quelques mois, ne me dira jamais la vérité sur la gravité de la situation dans 183 laquelle nous nous trouvons, et la durée potentielle de la peine qui va un jour tomber
, Mon mari avait un traducteur auprès de lui, moi, je me débrouillais 191 toute seule, quand la juge a demandé à mon mari « qu'avez-vous à dire M. Guillon pour votre 192 défense ? » mon mari a répondu en français, « nous n'avons rien à voir avec cette histoire, nous 193 ne sommes pas coupables », et l'interprète traduit : « Monsieur G., dit qu'il n'a rien à voir avec 194 cette histoire » ; j'étais très en colère car ce n'est pas du tout la même chose en fait. Le juge décide 195 que la valise appartenait à Madame puisque c
, Quant à moi, je reste suspectée de trafic de cocaïne jusqu'au jugement, où je serais 198 inculpée, et je repars en prison. J'étais contente pour lui, au moins l'un de nous deux s'en sort, 199 c'est déjà ça, il ne parle pas espagnol, ça fait des mois qu'il est complètement perdu ; c'est mieux 200 que ce soit lui qui soit libéré. Il va rentrer en France, ressouder la famille avec les cinq enfants 201 autour de lui, Christophe se voit signifier sa non-culpabilité et ne passera plus qu'une semaine derrière les 197 barreaux
, Nous apprendrons, plus tard, que nous aurions dû être libérés tous les deux ou amenés à 203 être jugés ensemble. C'était contraire à la Loi? Vous êtes arrêtés à deux, vous êtes accusés à 204 deux. C'
, il commet la maladresse de venir 206 me dire au revoir en prison, juste avant de prendre l'avion. Il est habillé en civil, jean noir et polo 207 beige, moi, je suis toujours incarcérée donc en uniforme de prévenue, je repère sur lui une odeur 208 de cigarette, je n'en ai pas fumé depuis longtemps, il vient de boire une bière, je suis toujours à 209 l'eau minérale que j'achète, l'eau des robinets n'étant pas potable. Je ne sais pas si c'est de la 210 honte que je ressens devant lui, ou de l'humiliation, mais je ne comprends pas qu'il m'impose ça, 211 qu'il me fasse souffrir, moi sa femme, alors qu'il sait très bien que je reste là, clouée sur place, et 212 qu'aucun des deux ne peut dire à l'autre, quand on se reverra. J'aurais largement préféré ne pas 213 le voir, je lui en veux, on se dispute presque car il n'a pas respecté ma volonté
, Ma famille se mobilise, je reçois tous les mois un mandat de la Western Union, qui va me 216 permettre de survivre, en achetant en prison de quoi manger et boire. Ma mère, mon frère, mon 217 père vont venir me voir, régulièrement. Ils mettent tous leurs vies entre parenthèses pour moi
, Certains évènements en prison avec mes compagnes de cellule vont aussi m'aider à tenir 220 le coup
, plus de mari, plus d'enfant, seule dans un pays étranger, en prison alors que je n'ai rien 223 fait du tout. Ma voisine, dominicaine, très croyante, me répond que c'est Dieu qui a voulu que je 224 sois là, que je ne sois pas ici effectivement parce que j'ai volé, tué ou dealé, mais Dieu attend 225 quelque chose de moi. Elle me propose de réfléchir à ma vie, « tu as du temps ici », me dit-elle, 226 et d'essayer de comprendre ce qu'il attendrait de moi, que je m'améliore peut-être mais en quoi 227 ? Alors je cherche, il faut dire que je n'ai pas énormément de choses à faire là où je suis, je me 228 mets à réfléchir là où j'ai ou j'aurais échoué dans ma vie, je fais le tri, entre ce que j'ai fait de bien 229 et de moins bien
, il me faire comprendre que je suis trop sur eux, incapable de 231 m'éloigner d'eux, que je les aime mal en étant trop proche tout le temps ? Dieu voudrait-il 232 m'apprendre à me détacher de mes enfants et ainsi mieux les aimer ? J'arrive presque à m'en 233 persuader, et, avec tous les médicaments que je prends depuis de nombreux mois
, Mais d'autres évènements vont me faire défaillir. J'allais voir la psy en prison 236 régulièrement, je pleurais tout le temps, je lui disais « j'ai perdu 27 kilos, mon mari, ma famille 237 et mes 5 enfants, je n'ai plus rien, je ne sers à rien ». Elle me répond, « Liana, si tu veux survivre 238 ici, il faut tout oublier
, J'ai continué à prendre 240 des médocs, nos petites conversations clandestines entre Dieu et moi, me convenaient bien, mais 241 elle
, Je continue à croire mon frère, « il ne s'agit que de quelques mois encore », alors je tiens 243 le coup
, À 27 kilos en moins, je suis devenue anorexique, je me surprends à compter les calories 245 que je ne dois pas dépasser par jour, un comble en prison quand même. Mais quand je reviens à 246 la réalité, je me dis toujours : 247 « Rien ne peut m'être reproché, puisque je n'ai rien fait de mal, quelqu'un va bien finir 248 par s'en rendre compte
, Et puis le verdict tombe, je prends 8 ans de prison ferme
, On m'a toujours reproché d'être trop près, trop proche d'eux, et c'est 252 vrai, mais mes enfants sont toute ma vie, et ils me sont plus chers que ma propre vie
, Je travaille à la bibliothèque, ça m'occupe 254 la journée et surtout, je lis beaucoup, ça me fait du bien. Ce qui m'a sauvé, c'est la lecture et 255 l'écriture, j'ai écrit 4 000 pages en espagnol sur ma vie pendant mon incarcération
, En fait elles commettaient des petits délits volontairement pour 262 pouvoir revenir en prison, elles y étaient mieux que dehors où probablement elles n'avaient ni 263 toit, ni de quoi s'alimenter. Il y a beaucoup de femmes détenues, parmi celles qui ont de longues 264 peines, beaucoup deviennent lesbiennes. Je me souviens avoir reçu des cartes qui disaient « est-265 ce que tu veux être mon amoureuse », la grande majorité c'était par intérêt, parce qu'elles savaient 266 que je recevais un mandat postal tous les mois et 400 ? par mois, c'est une somme conséquente 267 pour la République dominicaine, ça représente plus que le salaire mensuel d'une gardienne. Alors, 268 s'imaginer être en couple avec moi, c'était pour certaines espérer que je serais généreuse et 269 qu'elles pourraient profiter de mon argent, Les conditions sanitaires sont incroyables, l'eau n'est pas potable, l'électricité c'est une 257 option, plus souvent absente que présente, par contre les cafards, les rats ou les moustiques sont 258 partout
, En pleine nuit, nous arrivons dans une 276 autre prison, je ne sais pas où nous sommes, mais ce sera mon deuxième lieu d'enfermement. J'y 277 séjournerai en tout plus d'un an. À Santiago, c'était une prison récente, nous étions une petite 278 soixantaine de femmes. Dans la cellule, nous avions trois lits superposés, un WC, avec un rideau 279 autour, un lavabo, un ventilateur au plafond. Là, je tombe dans un endroit infect, 600 femmes au 280 moins. Pas de lit, des blocs en béton à la place avec une couche de mousse dessus, un WC, mais 281 pas de lavabo, pas d'eau non plus. Nous avons le droit à un seau d'eau par jour, pour nous laver, 282 au-dessus des toilettes. On m'explique que je dois rester là en période d'observation, 30 jours, 283 pour voir comment je me comporte en prison avant de me transférer dans une autre cellule, Je fais mon sac, 272 c'est terminé, on me libère enfin, c'est l'explosion de joie entre filles. Je dis au revoir à toutes les 273 filles
, Je pensais que c'était plutôt les pays comme la Colombie, 288 l'Amérique du Sud, alors, excusez-moi de ne pas en savoir plus sur la cocaïne et ses trafics dans 289 le monde. Parce que bien sûr, nous n'y aurions jamais mis les pieds, avec un bébé en plus, c'est 290 évident. 291 Fin 2013 ou début 2014, la Cour de cassation (Cour suprême) casse le jugement, il y a 292 trop d'incohérences dans le dossier. Mais, renvoyée en Appel, la Cour de Santiago confirme les 293 8 ans, je perds pied et pète les câbles. En même temps, les nouvelles que j'ai des enfants et de 294 mon mari en France ne m'aident pas. Mon mari décide de partir avec notre fils, et laisse tomber 295 mes 4 enfants qui seront séparés, l'un en famille d'accueil, dans le sud de la France, l'une chez sa 296 marraine, et un autre chez son père. La fratrie est explosée. Je dis « c'est fini, J'ai appris plus tard que tout le monde sait que la République dominicaine est une plaque 287 tournante des narcotrafiquants, moi non
, Quand on est innocent on va jusqu'au bout du processus pour faire reconnaître l'injustice 299 dont est victime
, Je suis clouée une 306 dizaine de jours dans un fauteuil roulant, on me déplace, on me promène, on me lave, on me 307 pique, je ne parle plus, je ne peux plus bouger, ma tête ne tient plus seule, on m'attache au fauteuil, 308 je suis un légume. On m'a soigné à tort pour une crise d'épilepsie, personne n'a dit aux médecins 309 que j'avais fait une tentative de suicide, mais personne ne le savait de toute façon. À la méga dose 310 de médocs que j'avais prise, ils ont ajouté d'autres calmants, « le seigneur ne doit pas vouloir de 311 toi » m'a dit mon amie dominicaine lorsqu'elle a appris la dose de tranquillisants que j'ai absorbée 312 en tout
, Mes avocats me proposent de faire un choix, de tout arrêter ou de repartir sur une autre 315 procédure, sachant que la nouvelle procédure peut aboutir à la même peine
, Il faut que l'on me reconnaisse innocente, je veux ma part de vérité, j'y ai droit. Ce n'est 318 pas qu'une simple question d'honneur, il y a des valeurs et des principes aussi derrière ma volonté
, Mais après la tentative de suicide ratée, mon état de santé s'aggrave et devient alarmant, 321 je comprends qu'il faut que je décide de tout arrêter
, mon frère arrivent à me persuader qu'il faut stopper là et qu'il est temps de 323 partir pour moi. Il m'explique qu'il est fort improbable qu'un jour on reconnaisse mon innocence, 324 mais que ce qui est vraiment le plus important c'est de rentrer en France
, « je ne suis pas coupable des faits qui 326 me sont reprochés, mais j'accepte la sentence, et je demande mon transfèrement » impossible 327 pour moi de dire que j'étais coupable alors que je ne le suis pas. Ce sont mes convictions et mes 328 valeurs qui sont en jeu
, qui dit que la personne 330 jugée peut demander à être transférée en France pour y exécuter sa peine. La procédure de 331 transfèrement dure habituellement entre 9 et 18 mois, mais j'ai de la chance, ça s'est fait en 5 332 mois. Quand je m'adresse à l'ambassade pour essayer d'en savoir plus, sur les modalités du 333 transfèrement, une fois de plus, personne ne sait rien. Du reste, quand quelqu'un venait me voir 334 pendant mon incarcération, on m'apportait un stylo, un calepin, parfois des journaux
, Il me reste de la monnaie sur moi, je demande dans la cellule de garde à vue où 338 j'attends mon transfèrement, Le 11 juillet 2014, je quitte la prison
, à côté me répondre « Petite française, si tu me donnes ton petit 340 cul, je te donne une cigarette ». J'ai gardé mes pièces de monnaie et aussi mon envie de fumer
, J'ai eu le droit à toutes sortes de propositions malsaines
, en charge de mon dossier, me dit : « Mme 344 G., je ne devrais pas vous le dire, mais, vous n'avez pas le profil d'une trafiquante de drogue ; je 345 vais vous placer à B., en région parisienne, vous y serez mieux qu
, occasion 348 de me remettre en question, j'ai un caractère fort, je le sais, et je suis aussi quelqu'un de très 349 autoritaire, notamment en couple. J'ai pris conscience que je n'étais pas forcément facile avec 350 mon mari, il a fallu que j'apprenne à devenir plus souple avec lui, mais aussi à me décrocher des 351 enfants. J'avais le temps de lire, je me suis intéressée à la psychologie, j'ai essayé d'occuper mon 352 cerveau, c'était une priorité pour moi
, on pouvait vivre ensemble, même avec des gens aux 354 parcours très différents les uns des autres ; avec des gens qui ont une culture autre que la mienne, 355 c'est une vraie richesse pour moi
, aurais préféré faire un an de plus en République 357 dominicaine que les 6 mois faits en France en ce lieu. Le premier gardien qui me reçoit, je lui 358 tends la main pour le saluer, comme je faisais là-bas, dire bonjour c'est normal pour moi et serrer 359 la main aussi, il recule et me fait comprendre qu'il n'en est pas question, « pas de ça ici
, Les détenues, là-bas, en République dominicaine, peuvent faire beaucoup de choses 362 vraiment intéressantes en prison, des activités culturelles, scolaires, des cours universitaires, 363 passer des diplômes. Et les projets de réinsertion sont travaillés sérieusement pour aider à la sortie
, Des plannings établis, tout 366 est sous contrôle, une heure le matin et une heure l'après-midi pour sortir. Mais tout ça est fait de 367 sorte que chacune puisse avoir une vie sociale à l'intérieur de la prison, Il y a des règles, bien sûr, à respecter, un uniforme à porter, pantalon en jean, et tee-shirt vert pour 365 les détenues en préventive, et bleu pour les détenues jugées coupables
, Des relations humaines simples et 369 normales quoi ! 370 À B., rien, je suis seule dans ma cellule, si je n'ai pas une activité, je ne parle à personne, 371 parce que je ne vois personne. Je suis seule avec ma radio, ma télé, une table ; aucun contact avec 372 personne. Les douches, c'est juste l'horreur, pas de rideau, zéro intimité. En République 373 dominicaine, il y avait des rideaux autour de chaque douche
, Quand il y avait de l'eau, on pouvait accéder à la douche autant de fois qu'on le voulait. À B., 375 c'est deux fois par semaine, il faut faire du sport pour avoir droit à une par jour. C'
, Quant à ma conseillère en insertion, elle a repoussé volontairement deux fois de suite mes 378 commissions d'application de peine, j'aurais pu sortir fin octobre 2014, mais à cause d'elle, je ne 379 suis sortie de prison qu'en janvier 2015. Pour Noël, elle a refusé de me laisser sortir, elle a dû 380 penser que ce serait trop bien pour moi de passer Noël avec mes 5 enfants qui m
, Depuis que je suis sortie de prison
, Trente-deux mois d'absence en tout, mes enfants ont tellement changé. Ils avaient tous 384 besoin de moi, l'enfance, l'adolescence, c'est compliqué même si la famille est unie et présente 385 alors, avec une maman en prison à 9 000 km, c'est autrement plus difficile à gérer pour eux
, Je ne recommence rien, j'essaie de 387 m'adapter, de reprendre le cours de ma vie
, je ne fais aucun projet, je ne peux pas. Je m'éloigne un peu des gens 389 aussi et de beaucoup de mes amis que j'avais avant
, Je me rends compte que lorsqu'ils ont des problèmes, ils se plaignent pour des choses qui 391 me paraissent sans importance
, Quand j'entends une copine qui me dit, « tu sais ce qui vient de m'arriver, j'ai crevé un pneu, 393 jour de merde ; c'est l'horreur » ; j'ai très envie de lui dire, mais tu réalises ce qui m'est arrivé à 394 moi, ces trois dernières années
, Quand je suis sortie de prison, j'ai appris que l'une de mes meilleures amies, chez qui 396 mon mari devait vivre avec les enfants, avait usurpé mon identité, p.397
, Elle a utilisé mon ordinateur personnel, où elle a facilement 398 trouvé tous mes codes d'accès. À la sortie, j'ai dû porter plainte pour usurpation d'identité, elle 399 s'est fait refaire ses lunettes, a réglé tous ses frais dentaires sous mon nom, elle pensait, comme 400 mon mari, qui a demandé le divorce, entretemps, que je ne reviendrais pas. Je comprends qu'elle 401 y est pour beaucoup dans la décision de Christophe de me quitter et de partir avec notre fils
, Avoir un travail et un 404 logement, ce sont les conditions essentielles pour pouvoir bénéficier du régime de la 405 conditionnelle, sortir de la prison avant la fin de la peine, avec un bracelet électronique, que je garde 9 mois
, Je suis une thérapie depuis ma sortie de prison. Je vois un psychiatre toutes les semaines
, encore des moments où je souffre d'insomnie, mes nuits sont habitées par les scènes 411 que j'ai vécues, les plus terrifiantes. Celles qui m'ont le plus marquée, la séparation avec mon 412 enfant
, mais en République dominicaine, j'ai été 414 violée, par une gardienne et une prisonnière. Ça peut paraître bizarre, parce que c'était deux 415 femmes, et les gens ne comprennent pas parfois, mais j'ai bien été violée. Je les ai surprises 416 ensemble en train de se peloter dans un couloir que j'empruntais tous les jours pour me rendre à 417 l'une de mes activités
, Je leur promets de ne rien 422 dire, j'essaie de les rassurer en leur expliquant que je ne parlerai à personne de ce que j'ai vu, 423 mais rien n'y fait. Elles me demandent de me déshabiller, sinon je suis clouée au mitard pendant 424 très longtemps. Elles me menacent, elles deviennent violentes, elles ne m'ont pas obligé à faire 425 quoi que ce soit, mais elles se sont acharnées sur moi, Le lendemain une détenue me demande de me rendre dans la salle des médicaments, on 420 m'attend là-bas
, je ne tournerai pas la page, faire comme si rien ne s'était passé 428 ? La seule chose que je puisse faire c'est apprendre à vivre avec ce qui m'est arrivé, je ne tournerai 429 jamais la page
, « Il faut que j'arrive à tourner la page », me disent mes amis. Ça, personne ne le 431 comprend, autour de moi ; sauf peut-être ceux qui ont vécu des moments comparables aux miens 432 dans la violence
, Ce qu'il ne comprend pas c'est que je n'arrive pas à me projeter dans le temps, je suis 434 incapable de faire des projets. J'en ai fait, j'en ai eu des projets, les deux derniers d'ailleurs 435 c'étaient le mariage et le départ en voyage de noces, et, brutalement, avec une grande violence, 436 tout s'est effondré autour de moi
, arrive même pas à accepter d'aller à un dîner prévu 15 jours avant ; 438 parce que d'ici là, finalement, il y a tellement de choses que je ne peux pas imaginer, là tout de 439 suite, qui pourraient m'arriver
, Pour le travail, une réunion de parents d'élèves, ou un rendez-vous médical, je me fais violence, 441 j'y arrive, mais pour une soirée, un repas, un ciné
, Les deux choses les plus importantes que j'ai apprises en prison, c'est de pouvoir me 443 remettre en question, et relativiser sur les choses dans la vie. J'ai réfléchi et travaillé sur moi et 444 mes rapports avec les autres, je ne minimise pas les évènements qui se passent, non, mais tout 445 n'est pas grave, il faut accorder aux évènements leur juste dimension. Être capable et avoir le 446 courage d'affronter les choses avec bon sens, sans dramatiser la situation
, Je me sens en décalage avec la société, cette chose, que j'ai vécue, m'empêche d'avoir 449 des relations normales avec les gens
, Me reconstruire, pour l'instant, ce n'est pas facile ; je vis au jour le jour, sans penser au 451 futur. J'ai des idées, mais je ne pourrai les mettre en place qu'à partir de, 2019.
, pour moi, c'est une façon de me protéger contre 453 ce qui pourrait m'arriver que je ne peux pas prévoir, le dernier projet c'était le voyage, notre lune 454 de miel en République dominicaine. Je l'ai payé cher, mes enfants, ma famille, nous l'avons tous 455 payé très cher. Mes enfants vont bien
, Christophe et moi avons réussi à surmonter, mais nous n'oublierons jamais ce qui nous 457 est arrivé
, Nous ne sommes plus mariés mais entretenons une relation très particulière
, Quand on est innocent, on cherche à se défendre, on cherche à prouver 463 son innocence, on ne fuit pas ; c'est ce que j'ai fait, jusqu'au bout de mes forces
, il y a partout quelque chose 466 pour me rappeler mon histoire, et qui me ramène à elle. J'ai toujours des moments d'absence, une 467 parole, un bruit, quelque chose de banal et anodin, me fait replonger en enfer. Je suis sortie de 468 prison mais je dois me libérer dans ma tête aussi de tous ces cauchemars que je fais éveillée qui 469 me surprennent à n'importe quel moment de ma vie au quotidien, Les souvenirs remontent toujours dans mes pensées
, J'y travaille, j'avance, je sais que j'y arriverai
, Entretien 9 Charles
, Avant l'incarcération, j'étais 6 un gai luron, comme on dit, je vivais beaucoup la nuit, je suis un noctambule, j'aime être avec les 7 gens, j'ai le contact facile, et on peut toujours compter sur moi, je sais rendre service si on 8 m'appelle ; j'y mets un point d'honneur. Je vivais une vie normale
, Les derniers temps, juste avant d'être pris, j'étais pas très bien dans ma peau, j'avais 12 l'impression que mon mariage battait de l'aile, ça m'énervait, ça m'agaçait
, je m'occupais de l'éducation de mes trois enfants. L'école, ça je 15 lâchais pas, avec ma femme ça allait, c'était pas non plus? Dans mon couple, je m'ennuyais un 16 peu, je trouvais que je stagnais un peu, en fait la routine me tue, vol.17
, je voulais partir 18 en voyage avec mes enfants, bref j'avais des projets, j'étais pas démuni, j'avais des choses en 19 cours. J'étais tellement obnubilé par cette idée de partir que j'étais détaché du quotidien. C'était 20 pas un projet familial, mais un projet individuel au départ, l'idée c'était de partir seul un mois et 21 de revenir chercher mes enfants après. J'ai trouvé quelqu'un qui m'a fait un visa d'affaires pour 22 pouvoir travailler là-bas, histoire de prendre la température ; je sais pas comment c'est là-bas en 23 fait. À l'issue de ça, je me prononcerai, moi, je m'adapte, je retombe toujours sur mes pattes, je 24 suis comme un chat
, J'étais sollicité à droite et à gauche pour plein de choses, j'ai beaucoup accepté de rendre 27 des services, sans trop regarder la nature des services, ce que je faisais quoi, et puis un jour, j'ai 28 donné ma parole pour aider quelqu'un qui avait quelques soucis, quelqu'un qui est devenu un 29 ami
, Et puis? Ils sont venus me chercher un matin. Ma femme a dit à ma petite qui s'était 31 réveillée à cause de tout le bruit qu'ils ont fait quand ils sont rentrés, « fais la bise à ton papa », 32 moi, je savais que je n'allais pas revenir. Je ne m'attendais pas à ce qu'on vienne me prendre chez 33 moi. La personne qui a déposé plainte contre moi
, Les premiers jours de détention, j'attendais dans ma cellule, je croyais que j'allais sortir, 36 que c'était juste que pour quelques jours, persuadé que c'était une erreur. Quelqu'un allait bien 37 finir quand même par comprendre qu'il y avait une erreur?
, Il a dit qu'on est descendu chez lui, pour lui 40 prendre du fric, à plusieurs, avec des armes, armées jusqu'aux dents, tout ça. L'enquête a 41 ressorti que c'était un escroc notoire le gars ; il avait manipulé mon ami en fait qui s'est fait 42 avoir. Il fallait bien aller chercher l'argent qu'il lui devait, un vrai manipulateur, il escroquait 43 tout le monde autour de lui. La juge a vu qu'il était pas fiable, elle l'a même marqué dans ses 44 conclusions. « Les déclarations colorent les faits », elle a dit, donc il fallait être vigilant quand 45 même par rapport à ce qu'il a dit sur moi, Je suis tombé de très haut et je me suis fracassé. Je comprenais rien à ce qui se passait, 39 même pas pourquoi j'étais là
, Avec 49 tout ce qu'il a fait, ce qu'il m'a fait, et m'a fait perdre dans ma vie. J'ai été incarcéré qu'une seule 50 fois, j'ai eu d'autres soucis, avant, j'ai des antécédents, c'est vrai, des condamnations, une dizaine, 51 mais jamais de prison avant. Ils m'ont placé en détention par rapport à mes condamnations 52 précédentes en fait, c'est ce que m'a dit l'avocat, « ils ont vu votre casier », la juge était pressée 53 de partir en vacances, c'était en juin, il fallait boucler l'affaire, c'était plus facile de me faire entrer 54 en prison, Je suis obligé de ravaler tout ça, tous ses mensonges en fait, je suis obligé de pas réagir
, En prison, tout le monde s'en fiche, c'est une machine qui broie les gens
, « coupez lui sa vie, c'est bon », c'était une jeune 58 juge, elle a eu peur, et l'avocat un bras cassé, j'ai changé après, je l'ai viré celui-là, trop nul ; mais 59 trop tard. « Y aura pas de garantie si vous sortez libre, vous pouvez partir n'importe où », m'a 60 dit mon avocat, « c'est pour ça qu'elle a préféré vous mettre en prison, en attendant le jugement 61
, Quand je suis arrivé, j'ai fait une grève de la faim pendant neuf jours, une grève totale, ni 63 eau ni rien, le médecin-chef du grand quartier m'a ausculté, il a trouvé de la tuberculose et une 64 deuxième bactérie dans mes poumons, il m'a dit « Monsieur, vous pouvez pas rester là, vous serez 65 mieux à l'hôpital », ils m'ont transféré à l'hôpital, j'y suis resté un mois. Au terme, je suis revenu 66 dans mon quartier de B. et j'ai été placé au 4 e étage, je me suis retrouvé avec des gens que je 67 connaissais bien
, Mais j'avais toujours cette lueur d'espoir de me dire en fait qu'en septembre, quand elle 69 va rentrer, la juge, je vais la voir, et elle va se rendre compte, même si elle va me prolonger la 70 détention. « Ne vous inquiétez pas », disait l'avocat, « si elle prolonge la préventive, je dépose 71 une demande de liberté
, il faisait rien, « oui demain, oui après-demain, non il faut attendre », une galère quoi
, Je devais avoir des nouvelles en novembre, en fait en décembre, 75 je suis convoqué par la juge, elle m'auditionne et elle dit qu'elle prévoit une confrontation et qu'à 76 la suite, elle clôt le dossier, au plus tard pour le 7 décembre. L'avocat me dit : « ben avant Noël, 77 tu seras dehors ». Et puis plus rien, il ne vient plus me voir en détention
, elle décide de me laisser dedans, je lui 81 ai dit : « Mais Madame la Juge, le dossier il est clos depuis le 7 décembre, c'est ce que m'a dit la 82 juge d'instruction, je ne sais même pas pourquoi je suis encore là, et vous me remettez en prison 83 ? ». Elle voulait que je sois hypocrite et faux, lui dire oui ou non tout comme ça lui plaît, bien sûr 84 je fais tout comme vous voulez, mais moi, je n'ai pas l'habitude de ça, et ça, ça leur plaît pas. Je 85 lui ai dit « Madame, je pense à mes enfants, je ferais rien à la sortie, je suis à dix mille lieues de 86 penser à m'échapper moi. Dehors, je reste calme, j'ai mes enfants ». « Oui, mais qu'est-ce qui 87 me prouve que vous n'irez pas voir les témoins pour leur parler et essayer de les faire changer 88 d'avis avant le procès ?
, Et je suis retourné en prison
, L'avocat continue à me dire que mon histoire, c'est rien en fait, que je n'ai pas à 92 m'inquiéter, il essaie de me rassurer mais ça fait déjà 8 mois que je suis dedans. Il n'y a rien dans 93 le dossier, mais en attendant je suis ici
, été malade pendant les 6 premiers mois, soigné pour la tuberculose, et une autre 95 bactérie, perdu du poids, 8 kg, je m'échappais par le biais de l'écriture, je m'évadais dans mon 96 esprit, et je me détendais ; j'essayais de sortir de ce cadre qu'on m'impose, parce qu'en fait, ils 97 peuvent me faire tout ce qu'ils veulent
, En fait tout le stress que j'ai eu, est tombé, ça y est, cette fois-ci j'avais enfin 100 une date d'échéance. J'avais fait déjà plus de 10 mois, j'en prenais pour 18, j'ai vite fait le calcul, 101 avec les remises de peine
, sauf que tout le monde 104 dit la même chose, mais qui ment, qui manipule ? Où est la franchise, comment prouver que ce 105 que vous dites est vrai ? Elle avait des éléments la juge, elle n'était pas dans le désert en fait, mais 106 elle a persisté malgré ce que je disais et elle a cru celui qui lui mentait et la manipulait. Malgré 107 ma condamnation ; je lui dois en plus de l'argent à lui. Il a eu le culot de demander des dommages 108 et intérêts dans l'affaire. Cette indécence-là, il l'a encore. Il a dit qu'il était traumatisé par ce qu'on 109 lui a fait subir pendant l'agression, mais quelle agression ? Il est allé voir la psychologue ; il l'a 110 manipulée, elle aussi, comme la juge, il a été faire une expertise psychologique ; demandée par la 111 juge. Elle voulait savoir s'il affabule ou non. Mais ça la psychologue elle ne peut pas le voir, le 112 gars il peut mentir et dire tout ce qu'il veut
, et même exiger une prise de 116 sang pour voir si vraiment il prenait des médocs. C'est de la mythomanie, pure et dure. Il avait le 117 beau rôle, celui de la victime, un homme d'affaires, deux sociétés, très connu dans le milieu, mais 118 pas connu des services de police, il se fait sauvagement agresser, par une bande de types armés 119 jusqu'aux dents pour lui voler de l'argent qu'il n'avait pas. La personne à qui j'ai voulu rendre 120 service, incarcérée elle aussi, la juge l'a considérée comme commanditaire en fait, tout le monde 121 a été pris, on était 4 en tout, à être allé le voir ce soir-là, j'y suis allé avec des amis à moi
, Mon ami, même pas de casier, zéro condamnation, pas d'antécédent, un travailleur, avec 124 un enfant handicapé, un type pas louche quoi, il a pris plus que moi
, Y a pas de justice, j'y crois plus ; celui qui a de l'argent oui il peut s'en sortir, y a une 126 justice pour lui
, Les plus gros escrocs, je vous apprends rien, c'est l'État, c'est les politiques. Faut jamais 128 faire confiance à un politique
, elle dit de ça ? Les intellos, la classe pensante, qu'est-ce qu'ils 130 font pour ça ? On peut pas laisser faire ça, tout est dans le répressif aujourd'hui, on enferme, on 131 enferme
, Je savais que la date de sortie approchait, 133 alors j'ai retrouvé le moral, ça allait mieux. Les problèmes de santé se sont réglés, un mois 134 d'hôpital suivi de 6 mois de traitement en détention. Check-up, contrôles, radios et prises de sang, 135 moi, je savais pas qu'on pouvait mourir de la tuberculose en 2016, je voulais pas perdre la vue 136 non plus ; et l'ouïe, j'entends mal depuis, En détention, vers la fin je me suis détendu, p.137
, vous pensez à gérer la situation, et à savoir ce 140 que vous allez bien pouvoir faire
, on ouvre la porte pour savoir si vous êtes encore vivant
, On ré-ouvre la porte pour savoir si vous voulez partir 144 en promenade, on ferme, on ré-ouvre peut-être y a une fouille de la cellule, peut être le gradé veut 145 vous voir, on ferme ; on ré-ouvre pour la gamelle du midi, pour l'activité de l'après-midi, on 146 ferme ; à 17 h, on ré-ouvre pour vous donner la gamelle du soir, ça y est c'est fini. 147 À force, vous devenez un automate, vous ne faites jamais rien, on fait tout pour vous, 148 vous n'avez plus à réfléchir, ils pensent pour vous, vous êtes conditionné, et ça les arrange que 149 vous soyez comme ça en fait
, Pour ceux qui ont encore la pêche et qui pourraient se rebeller, pour les plus forts 152 physiquement, il y a toute sorte de piqûres et de médicaments, ils sont vite matés
, ils deviennent vite des légumes, ils piquent et repiquent jusqu'à ce que vous 154 ressembliez à un légume
, ce qui me tient, c'est pas tellement les copains et amis 156 que je me suis fait là-dedans, il y a beaucoup d'opportunistes, de menteurs, beaucoup de gens qui 157 se mettent en avant, en racontant des choses qu'ils ont faites mais c'est faux en fait, ils s'inventent 158 des trophées pour vous faire croire que dehors ils sont importants, Vous vivez dans des cellules sales
, est cette lueur d'espoir qu'un jour la 160 vérité éclatera en fait, je m'accrochais à ça sans arrêt ; j'y ai cru jusqu'au bout, ils vont voir la 161 vérité, ils vont s'en apercevoir, c'est sûr. J'ai tenu jusqu'au bout grâce à ça. Dans mes dernières 162 ressources, j'ai pensé que mes enfants y étaient pour rien dans tout ça, pourquoi leur faire subir 163 ça en plus, comment ils vont réagir quand on leur dira que leur père s'est suicidé en prison ? C', vol.11
, juste après ma sortie, j'ai réitéré mes propos, 166 elle était tellement sûre d'elle, normal que je lui écrive. « Vous avez été aveugle dans mon histoire 167 ; y avait rien dans mon dossier pour me mettre en prison et vous l'avez fait quand même, elle est 168 où votre responsabilité dans mon histoire ? Et dans ma vie aujourd'hui ? Et pour mes enfants, 169 vous savez comment ça va pour eux avec un père en prison ? Vous avez été manipulée
,
, Ce que je ne savais pas, c'est que quand vous sortez on vous donne votre dossier médical, 174 et quand je l'ai lu, à la sortie, les médecins ont écrit que me suicider pour moi, c'était un moyen 175 de chantage
, Le médecin que j'ai vu en détention, m'a dit qu'il fallait que je pense à mes enfants, à ma 178 famille, et que je ne fasse pas ça, elle m'a raisonné finalement
, Toute la détention, je me suis débrouillé pour appeler ma femme en cellule, pour ma 180 famille, je suivais mes enfants de près de l'intérieur de ma cellule, p.182
, est facile, il la tapait en fait. Il a 16 ans, il est costaud. J'appelais tous les jours pour savoir pour 183 mes enfants
, Il y a plusieurs techniques, mais surtout il y a des complices, les 187 surveillants, les gradés, tous, ils sont tous vénaux. Non, ils ne perdent pas leur boulot si ça se 188 savait, juste personne ne va le croire. Et pas que les téléphones, l'alcool, la drogue, tout ce qu'on 189 demande, on peut l'avoir, ça a un prix, Oui tout le monde a un téléphone en prison. Vous, vous passez par la 185 grande porte, normal, vous pouvez rien passer sans qu'ils le voient, nous, on passe ce qu'on veut 186 mais pas par la grande porte
, prison qui ordonne les fouilles dans les cellules pour chercher les 193 téléphones ou autres, les matons ils font les fouilles, c'est un ordre, ils ne peuvent pas faire 194 autrement, sauf que parfois ils voient et parfois ils ne voient pas, ils voient un téléphone et hop
, Un surveillant, 197 un gradé fait pression sur un détenu, lui accorde des privilèges, ou lui procure un téléphone, c'est 198 cadeau, en échange le gars lui file des infos sur les autres détenus, ça s'appelle une balance chez 199 nous. Faut être fou pour faire ce métier à ce tarif-là sans toucher
, mais ça ne veut pas dire 201 que j'aurais fait des affaires avec eux. Il y en a plein qui disent qu'ils sont là pour ça ou ça mais 202 finalement, c'est pour autre chose. Ceux qui sont là pour viol, jamais ils le disent. Ils inventent 203 une histoire et ils font croire à tous autre chose. Ceux qui ont violé, ils se font piétiner en prison, vol.204
, là je cherche pas à savoir, je le mets par terre, je le piétine 206 jusqu'à ce qu'on vienne le chercher et qu'on le mette à l'abri dans une autre cellule, où il sera 207 seul
, La plupart des violeurs viennent des îles en fait, je discrimine pas, mais c'est quand même 209 la vérité ici. Ils se protègent entre eux, ils parlent en créole
, Toujours être sur ses gardes, tu le dis à personne que tu as un téléphone, même à ton 211 codétenu en cellule, faut faire confiance à personne
, on a pris mon téléphone, en fait ce n'était pas vrai, c'est lui qui l'avait planqué 214 mon téléphone, il n'y a jamais eu de fouille. Moi j'attendais les représailles, c'est le mitard pour 215 plusieurs jours, mais je n'ai jamais été convoqué au bureau du gradé ; normal j'ai retrouvé mon 216 téléphone en fouillant dans les affaires de mon codétenu pendant qu'il était au mitard. Je l'ai 217 frappé quand il est revenu, il s'est sauvé, je l'ai poursuivi dans la coursive. Il a eu peur, et il a 218 demandé de changer de cellule parce que c'est moi qui étais un violent soi-disant
, Tout le monde soupçonne tout le monde ; tout s'achète et se revend
, Ce qui m'a fait tenir aussi c'est qu'un jour je sors, la sortie c'est sûr. Il n'y a que les lits 223 qui restent et les matons, et les gradés, nous, on sort un jour. C'est un codétenu avec qui je 224 m'entendais bien, un type correct, qui m'a appris beaucoup de choses, qui disait ça
, Il y a de tout en prison, des débiles mentaux, des mythomanes, des gens machiavéliques, 227 faut pas rêver
, C'était ma première incarcération, j'en suis pas fier, mais bon. J'ai tenu le coup, oui, c'est 229 vrai
, étais pas là, je disais, c'est pas possible, j'acceptais pas, je vibrais, j'étais 231 violent avec tout le monde. Après j'ai dit je vais voir, j'ai tempéré un peu, et puis je suis sorti, à 232 la fin j'ai la rage
, Comme quelqu'un qui fait un accident en fait, à la sortie 234 de la détention, c'est le contrecoup qui vous assomme. Il va falloir gérer tout ça, les habitudes 235 prises en prison, les bruits, les portes, les clés, dehors, rien à voir avec tout ça. Le syndrome du 236 canapé, vous êtes dans votre lit toute la journée en prison si vous voulez, c'est facile d'y rester, y 237 a rien à faire. Le temps à gérer aussi, pas pareil, je voulais ma liberté, mais quand je suis sorti
, Il faut une certaine période pour se réadapter, parce que les barreaux dans votre tête ils 240 sont toujours là en fait
, Ceux qui disent, « non facile », en fait c'est faux, ils mentent à eux-mêmes, ils mentent 242 aux autres. Ils disent ça pour se donner une image
, Un athlète de haut niveau, il se blesse, il ne reprend pas de suite la compétition, c'est mon 245 cas, je suis en convalescence, il me faut une période de réadaptation à la vie dehors
, Les CPIP sont payés pour écrire, des rapports sur les détenus pendant leur incarcération, 247 mais pas pour vous aider à la sortie. Moi j'ai ma carte de taxi en fait, je peux bosser avec mais je 248 ne retrouverai pas mon poste de chauffeur
, Et puis, je ne suis pas en condition normale ; ma femme est partie, le jour où je suis sorti, 250 elle a quitté le domicile familial en me disant qu'elle allait faire des courses en ville, elle a pris 251 son sac et je l'ai plus revue depuis. Elle m'a laissé seul avec les 3 enfants sans rien me dire. Je ne 252 sais pas où elle est, ni avec qui elle est
, La plupart des gens qui sortent, boivent pour oublier, moi, je bois pas, jamais bu, il y en 254 a qui se droguent, moi, je ne fume pas et je ne touche pas non plus aux drogues dures
, c'est que quand les gens sortent, ils pensent que ça 257 y est, ils sont libres, mais en surface seulement, le mental c'est beaucoup plus long à réparer, ceux 258 qui sortent sans rien
, la 260 perm., c'est dur, beaucoup refusent et préfèrent ne pas sortir de peur de ce qui va se passer à la 261 sortie. C'est comme si on s'enferme soi-même, on peut pas sortir à un moment tellement ça fait 262 peur la sortie. Tout ça, ça détruit tout. Ils disent la première victime est la société, oui mais elle le 263 deviendra doublement après parce qu'elle lâche des fous dans la nature
, il prenait les médicaments tous les jours, et puis il a pété un plomb, il a fait 266 une TS, ils l'ont emmené, je ne l'ai plus jamais revu, plus aucune nouvelle de lui, du jour au 267 lendemain, personne sait où il est passé. C'est pas le règlement
, Ça coûte beaucoup moins cher d'enfermer que de soigner, ça coûte 110 ? par jour la 270 prison, un détenu en HP, 800 ? ; le calcul est vite fait, non ? La prison coute moins cher, c'est 271 moins cher que l'hôpital
, Il faut justifier le salaire de tous ces gens qui travaillent en prison, le directeur, les matons, 273 les gradés
, Pendant la guerre du Liban, je 276 suis libanais, né au Liban pendant la guerre civile, il y a eu beaucoup de morts, des civils qui ne 277 faisaient pas la guerre eux. J'ai perdu ma petite soeur aussi pendant la guerre. Mon père voyageait 278 beaucoup avant, il était dans les affaires
, Amérique 283 latine, en fait, j'hésitais entre la Colombie et le Panama, mais le Panama s'est beaucoup plus cool, 284 il y a plein de choses qui bougent et qui se font, la Colombie, ça devient risqué, dangereux, pas 285 stable, vu de loin en tout cas. Ça s'est très bien passé avec le consul du Panama
, Il faut que je retrouve mes esprits, la situation à la sortie n'était pas celle que j'attendais, 288 ma femme s'est barrée, probablement pour me faire payer mon absence, enfin j'espère, elle aurait 289 raison, elle a été seule à gérer les 3 enfants pendant de longs mois, pendant que j'étais en prison, 290 elle a pété un câble, je pense, elle me fait le fait payer, c'est OK, elle a pas tort, mais là, il faut 291 que je la retrouve
, Mes enfants, c'est mon seul trésor, dans ma vie, alors, faut pas leur faire de mal, et en 293 faisant ça
, Je laisserai 296 personne leur faire du mal, elle donne des nouvelles à personne. Elle ne veut plus me parler, elle 297 dit qu'elle a peur, que je lui fais peur. Elle est venue chercher des affaires à la maison avec la 298 police. Ils ont débarqué chez moi, comme la première fois, j'ai cru que c'était pour moi, mais non, 299 elle était avec eux, ils ont dit : « N'approchez pas votre femme, elle prend son linge, vous vous 300 éloignez d'elle, ça va prendre quelques minutes et on sera dehors ». Ils sont partis, j'ai même pas 301 pu lui demander pourquoi elle faisait ça, la plus petite la demande tous les jours, les deux autres sont plus grands
, On ne peut pas rattraper le temps perdu, essayer c'est une grave erreur, par contre ce qui 304 serait bien de faire, c'est prendre cela comme un tremplin, même si c
, J'aimerais retrouver la joie de vivre que j'avais avant, l'envie de sourire et de rire, avec 306 mes enfants par exemple
,
, 310 ce que je peux lui faire, je le sais parce que j'ai trouvé des billets de train, j'ai regardé les comptes 311 bancaires aussi, des cartes bleues, des dépenses à des endroits très loin de la maison, en pleine 312 nuit, ça veut dire qu'elle laissait mes enfants seuls la nuit pendant qu'elle s'amusait. Je ne peux 313 pas comprendre ça ; elle n'aurait pas dû faire ça. Maintenant elle dit à tout le monde que je suis 314 un violent et que je peux la frapper, elle a montré des photos d'elle avec des bleus partout, qu'est-315 ce qu'elle a l'intention de faire ? Je ne sais pas ? Mais où qu'elle soit, je vais la retrouver de toute 316 façon, c'est pas la peine qu'elle se cache, ça ne sert à rien, elle devra sortir un jour, et je la 317 retrouverai. Quand tout ça sera rentré dans l'ordre, je partirai m
, Avec le temps tout passe, c'est comme dans la chanson, avec le temps va tout s'en va
, Entretien 10 Claude
, Je porte un nom nord-africain, je suis né 3 en France et je suis français
, Ali Baba et les 40 voleurs, tout ça je l'ai vécu, j'ai 5 donné ! 6 J'ai un passé très lourd, j'ai frôlé la mort, je ne sais pas vraiment combien de fois, j'ai 7 connu tous les états de misère qu'un homme peut subir. Dans ma vie, j'ai passé plus de temps à 8 survivre qu'à vivre. L'orphelinat en 1947, c'était le mouroir pour certains enfants
, Que 11 pouvait-on me faire de plus ou de pire que ce que j'avais déjà connu ailleurs ? 12 Pendant la Seconde Guerre mondiale, mes parents appartenaient à un réseau de résistants, 13 ils ont été arrêtés tous les deux en même temps en 1942 par la Gestapo et envoyés dans les camps 14 en Allemagne, j'avais 3 ans. On m'a déposé dans un orphelinat. À 3 ans, est-ce qu'on comprend 15 quelque chose ? Je ne sais pas. Comme beaucoup d'enfants sans parent, pendant la guerre, sous 16 le gouvernement de Pétain, j'ai été baluchonné d'un orphelinat à un autre. Mes parents sont 17 revenus des camps en 47
, Gravement malades tous les deux, suite aux conditions de vie de la déportation, ils décèdent 19 quelques années plus tard, j'ai 13 ans. J'ai fait de nombreux allers et retours entre l'orphelinat et 20 chez moi
, Les orphelinats dans les années 50, ce n'est pas une rigolade, c'est pire que la prison
, On a tellement faim qu'on fait les poubelles avec deux ou trois garçons de 25 mon âge. Un jour, on récupère des épluchures de pommes de terre, on les fait cuire pour les 26 manger, mais on se fait prendre. Le directeur me dit : « Vous n'avez pas honte de voler la main 27 qui vous nourrit ? » 28 On avait tous un uniforme, un habit bleu, culotte courte et chemise avec une toile cirée 29 bleue dessus l'hiver, c'était plus facile à laver, mais surtout on crevait de froid l'hiver, et de chaud 30 l'été. Ce qui est le plus insidieux c'est que tout, en apparence
,
, On me donne 36 une pelle, un râteau et une brouette. Pour réussir l'épreuve, je dois ramasser les feuilles mortes 37 tombées d'un bout à l'autre de l'allée, puis vider ma brouette au bout de façon à nettoyer la grande 38 allée. Sauf que le vent, souffle et disperse le tas de feuilles qui s'envolent, alors
, nous sommes les insoumis, les rebelles, toujours au fond de la classe, une petite 41 bande de mômes en rébellion contre certains adultes qui nous dirigent et leurs façons peu 42 scrupuleuses d'abuser de leur pouvoir, Nous
, Nous ne nous laissons pas faire, on a des galoches en bois, ça fait très mal un coup de 44 galoche, si d'autres mômes nous cherchent, on se défend à coup de galoche. À neuf ans, j'avais 45 déjà appris à me défendre pour vivre
, Du pain sec et un bol d'eau pour la journée en guise de repas ; ou alors c'est la douche 47 froide dans la « cabine ». Il y avait comme une cabine de téléphone installée en plein milieu de la 48 cour, on nous enfermait dedans nu ; au plafond, une douche d'eau froide fonctionnait à grands 49 jets toute la nuit sans interruption, jusqu'au petit matin. J'ai vu des mômes mourir, les plus faibles 50 avant les autres
, On ne compte pas, on est de la viande de pauvre. C'est grave pour personne si l'un d'entre 52 nous disparaît. À part nous, personne ne se préoccupait de ce qui pouvait bien nous arriver
, Quand on vit tout ça enfant, on ne sait plus faire la différence entre le bien et le mal. Pour 54 nous c'étaient des valeurs de bourgeois, de grandes personnes, ça voulait rien dire tout ça, pour 55 nous il fallait vivre
, on a voulu s'évader, oui, j'aurais dû dire 57 s'échapper, mais non, s'évader et se sauver conviennent bien. Nous n'avons aucune connaissance 58 en géographie, mais on a entendu dire que l'Amérique c'est bien, alors on décide d'y aller. Sauf 59 que, pour aller en Amérique, on traverse toute la France et on se retrouve à Marseille. On voulait 60 traverser la Méditerranée, persuadés que l'Amérique était de l'autre côté, On était des enfants, 9 61 ou 10 ans
, Une bénédiction pour moi, pour nous les rebelles de l'orphelinat, il est une 68 bouffée d'oxygène qui donne du sens à nos vies de gamins. Il nous récupère moi et plusieurs 69 enfants de l'orphelinat où l'on croupissait pour aller vivre dans la « cabane ». Il a été notre Père 70 à tous, un vrai Papa. Il me remet aux études, j'étais pas illettré, mais pas loin quand même. Ça me 71 plaît, je suis pris par une espèce de boulimie du savoir, je veux tout lire, tout comprendre, tout 72 savoir. J'ai passé deux diplômes qui n'existent plus aujourd'hui, le Brevet technique industrie
, On 77 s'inventait des histoires de chevaliers, de guerre et de batailles dans un décor qui était du vrai ! 78 C'est de là probablement qu'est né mon amour pour les vieilles pierres. Il avait acheté un autobus, 79 pour emmener tous les mômes
, Il y avait aussi l'abbé 83 Fauconnier et Chabrel, des hommes qui ont commencé à me réconcilier avec la religion. Dans les 84 orphelinats où j'ai été placé de 3 à 12 ans, il y avait beaucoup de religieux? hommes femmes? 85 et tellement de choses à dire sur eux? 86 Je me souviens de soeur Andrée, d'une méchanceté, même encore aujourd'hui à mon âge, 87 je ne peux pas comprendre comment et pourquoi autant de méchanceté. J'avais attrapé des 88 furoncles sur la jambe, cette violence dans nos pensées, notre savoir, 82 nos études, il nous a apporté un cadre, une structure que l'on n'avait pas
, était juré « d'extirper le musulman qui habitait en 90 moi ». J'étais pas plus musulman que bouddhiste, juif ou chrétien, j'étais rien du tout, je ne 91 comprenais rien à tout ça. Il y avait aussi le séminariste qui avait le rôle d'éducateur, lui ne mettait 92 pas des gifles, il mettait des coups de poing. On était des mômes, on prenait des pêches, d'une 93 violence, je me demande comment la mâchoire et le nez n'ont pas cédé sous les coups, p.95
, Quiconque les aurait touchés, on l'aurait tué, il serait mort. Nos 97 Pères, mais aussi nos papas, nos confidents, notre famille, ils représentent tout pour nous
, Il n'y a rien, rien du tout. Le Père Jaouen me conseille de partir à 102 l'armée, de m'engager comme volontaire, je n'aurais pas trouvé de boulot. À cette époque, à 103 Paris, les ratonnades font des morts tous les jours dans la rue, 1957.
, 107 puis au groupe de commandos parachutistes, caporal, puis caporal-chef et à 20 ans sergent. Sous-108 officier, j'avais un groupe de 14 hommes de combat, pour « les missions spéciales ». Le régime 109 militaire, pour moi qui avais connu celui des orphelinats, il est très facile, j'y suis bien même, on 110 a de quoi manger, la nourriture est bonne, un toit pour dormir avec des chambres chauffées, L'année de mes 18 ans, je m'engage, je suis, au 18 e régiment de chasseurs parachutistes
, Que demander de plus pour un môme comme moi ? L'armée, c'était le paradis pour moi
, À l'époque, des officiers avec un nom 114 arabe, il n'y en a pas ; je sais qu'avec le nom que je porte c'est impossible de devenir officier
, tellement vécu auparavant ce genre d'humiliation, que je m'en fous finalement
, Ali Baba et les 40 voleurs, tout ça, je l'ai vécu, j'ai donné. Mon 119 premier prénom c'est Ali, et pas Claude, et c'est pour ça que je ne m'en sers jamais, Môme dans la rue
, elle 121 est mariée à un Kabyle, mon père, tout le monde disait « c'est une pute ». « C'est forcément une 122 pute puisqu'elle est mariée avec un bougnoul
, il était français, l'expression « bien 124 intégré » n'existait pas, s'il ne disait pas qu'il était kabyle, cela ne se voyait pas. Il parlait le 125 français comme n'importe qui, très bien l'allemand aussi, il l'avait appris de l'autre côté, et 126 l'anglais. Il n'empêche que dès qu'on voyait le nom, on disait « bicot ». Moi j'étais le fils du « 127 bicot », ou le fils d'un « bic ». Combien de fois j'ai entendu « sa mère est mariée, avec un bicot 128 alors c'est forcément une pute, vol.129, 1954.
, on en a besoin dans les grandes usines, sur les routes comme de la 131 main d'oeuvre pas chère, personne ne veut fréquenter « un bicot » ou un « fils de bicot ». C'est 132 comme ça à l'époque
, Les humiliations, ça me connaît. J'ai été marqué par tout ça, ça laisse des traces, 134 profondes, et ça fait mal
, Ce sont des marques au fer rouge, c'est 137 là et c'est resté. C'est pas banal comme vie, apprendre à se battre, à se défendre pour survivre 138 alors que je n'étais qu'un enfant, je n'ai jamais été méchant, c'est pas dans mon caractère, mais 139 quand il a fallu que je me défende, j'ai su, j'ai toujours su, et même encore aujourd'hui, à mon 140 âge, il faut faire attention, Même encore maintenant, alors que je vais sur mes 80 ans, j'ai des images qui, des fois
, De Gaulle est pour 144 l'indépendance de l'Algérie, moi, je suis pour la France, et bien sûr, tout ça c'est mal fini. Le 145 Putsch d'Alger est organisé par des généraux et des troupes de parachutistes, je suis parmi eux, 146 dans les paras. À l'indépendance de l'Algérie, je deviens donc un élément indésirable, l'armée ne 147 veut plus de moi, ou plutôt, je suis obligé de m'éloigner discrètement. Avec moi, il y avait un 148 sergent du REP, il a été arrêté en Algérie, jugé, condamné et fusillé en France. Si je me faisais 149 prendre, j'avais droit au même régime. Je sauve ma peau, je deviens fugitif. C'est, de 143 quoi faire des étincelles et créer de terribles conflits très graves
, Profondément déçu par la « trahison » de De Gaulle, je décide d'oublier mon amertume 152 en satisfaisant ma soif de grands horizons
, Je pars en Afrique noire sous une fausse identité, que j'emprunte à quelqu'un d'autre, 154 pour ne pas me faire repérer. J'appartiens à divers groupements paramilitaires au Congo 155 notamment, mais ça se termine mal aussi. Après, je vis au Burundi, puis au Kenya où je fais 156 broussard. J'emmenais les gens en safari photo dans la brousse. J'habitais en pleine brousse avec, 157 à la maison, mon boy « Frère Hypo » quand il souriait il ouvrait la bouche, elle était tellement 158 grande qu'on pouvait y mettre deux oranges, un couple de guépards Hélène et Paris, mes deux 159 gros chiens
, tout en longueur, que des muscles, de l'acier. J'emploie 161 le terme de boy, parce que c'est le terme employé là-bas, mais pour moi, il n'était pas un boy. Il 162 avait sa chambre à la maison, et tout le confort mais je ne suis jamais arrivé à le faire dormir à 163 l'intérieur
, Un jour, je décide de rentrer en France ; j'en ai besoin, je suis un môme de Clichy, avec 165 ses bars, terrasses de café et bureaux de tabac où je peux m'arrêter boire une bière
, je ne pouvais pas rentrer en France avant, 1967.
, Il n'y a toujours rien pour moi, d'abord j'ai toujours un nom arabe et en plus je suis sur 169 la liste rouge de l'armée, donc la situation est pire qu'à mon départ
, un type comme moi peut bien faire pour gagner sa vie, avec l'expérience et 171 les compétences que j'ai en matière d'armes et de combat ? 172 Il reste le milieu bien sûr. À 30 ans, je deviens braqueur. Il a suffi de quelques rencontres 173 et j'
, Nous formons une bande de 7 à 8 gars
, Nous sommes des braqueurs, la drogue, les filles, la prostitution on y touche pas, on a des codes 176 et une déontologie que l'on respecte ; uniquement des braquages de banques, bijouteries, 177 fourgons. Je force des coffres et dévalise des banques. Associés en affaires
, Je me suis vite et bien installé dans le milieu, avec trois ou quatre identités différentes, on 180 devient très vite des professionnels, des vrais pro, on a le métier en main et là, ça brille pour moi, vol.181
, Le froid, la faim, les coups, les 183 humiliations, pour commencer et puis, après l'armée et de retour d'Afrique, quand j'habite Nice, 184 l'opulence, loin de la misère noire de mon enfance, En fait, j'aurai connu les deux extrêmes dans ma vie
, Je comprenais la situation, pour l'avoir vécue, alors j'aidais, je n'avais pas 188 besoin d'explication, ni de formation, la formation je l'avais faite dans la rue. À l'époque, j'ai une 189 vie lisse, pour l'extérieur. Et plusieurs identités. Personne n'aurait jamais soupçonné que je suis 190 un braqueur, j'ai une couverture, nous avons tous un travail en guise de couverture, histoire de 191 justifier notre argent et le train de vie que nous menons. Moi, je suis gérant d'une discothèque ; 192 tout doit être en règle, tout est clean ; j'ai de gros revenus et tout ce qui va avec, comme des 193 relations dans toutes les sphères, politique comprise. Toute l'équipe, la bande, fait très attention 194 à ne jamais avoir d'histoire, ne jamais se faire remarquer, il faut une certaine organisation pour 195 faire braqueur de banque et avoir une vie transparente en même temps, aux yeux de tous. J'aime 196 jouer aux cartes, j'ai comme partenaire de bridge, un préfet en exercice
, Et un jour ; ça ne marche pas comme prévu. C'est le risque
, Tout ça c'est fini, aujourd'hui, c'est derrière moi et je m'en porte aussi bien d'ailleurs
,
, ce qui m'est arrivé, un jour j'ai pris le mur, je me suis fracassé, j'assume ; je prends 204 perpète avec 18 ans de sûreté. J'accepte la sentence
, Tout endosser 207 et ne jamais parler, bien sûr ça nous lie à vie entre nous, si je veux, encore aujourd'hui, je pourrais 208 téléphoner à certains, mais? 209 Ça ne m'intéresse plus. J'ai décidé que le passé, c'est le passé, et que le présent est 210 différent, autrement, Toute la bande n'est pas arrêtée, on prend à deux toute la responsabilité du coup
, avais 47 ans ; à l'époque c'était la peine la plus forte, il n'y avait pas 212 au-dessus. J'ai été le deuxième en France à être condamné à cette peine, c'était nouveau, même 213 mon avocat ne savait pas ce que cela voulait dire, 1986.
, Je savais ce que voulait dire perpète, mais 18 ans de sûreté, pas du tout. Nous avons 216 cherché à comprendre avec mon avocat. Le procureur dit au procès que si la peine de mort était 217 encore applicable, il l'aurait réclamée. Normal donc que je prenne le max. C'est ma première 218 condamnation, je reconnais que là, j'ai pas fait dans la dentelle, j'ai pas fait semblant non plus, vol.219
, En prison, que pouvaient-ils bien me faire de plus que ce que j'avais déjà connu ailleurs 222 ? 223 Pour moi, c'est un mauvais moment à passer qui va durer ce qu'il va durer
, C'est vrai que ça peut surprendre ce genre de réaction, mais je réfléchis pas autrement
, Comment appeler ce type de réaction ? Du fatalisme ? Pour moi ce passage en prison dans ma vie 227 il n'est pas inéluctable, ni incontournable ; mais quand on fait ce genre de métier, on se doute bien 228 qu'un jour on peut taper dans un mur
, tous les mômes ne sont pas sortis vivants de 230 là, à l'armée, je prenais des risques aussi, j'aurais pu y rester et me faire tuer
, C'est ma philosophie de vie, j'ai vu autre chose de plus dur que la prison, ça ne me fait pas peur
, les magistrats, là où j'ai été pisser, ils n'iront 234 jamais marcher, parce qu'ils ne savent même pas que ça existe
, on redevient un gosse dont l'administration pénitentiaire est le 236 tuteur légal à 100 %. Un matin, le surveillant arrive dans la cellule et me dit « faites votre 237 paquetage, vous êtes transféré ». Je l'ai entendu souvent cette phrase, j'ai été baluchonné à travers 238 toute la France dans 24 prisons différentes
, Les longues peines, l'administration pénitentiaire a toujours peur qu'il y ait une évasion. Alors 240 on bouge tout le temps, histoire de ne pas s'approprier la connaissance des lieux
, Alors j'ai fait le 242 tour des placards, parfois je reste une semaine, parfois deux mois et je repars, et puis ailleurs c'est 243 deux ans. Avec Michèle, on a fait la liste, sinon, c'est pas facile de se souvenir des 24 prisons où 244 j'ai vécu. Parler de ma seule tentative d'évasion, échouée, c'est délicat, mais ce qui est sûr c'est 245 qu'elle ne m'a rien couté
, En fait le soir où je décide de m'évader, tout le personnel pénitentiaire était en fête, c'était 247 un 13 juillet au soir, ils étaient tous bourrés, mais vraiment tous
, On a 249 pas été arrêtés par la pénitentiaire mais par les flics alertés qui nous ont remis à l'intérieur
, L'incident est passé incognito, j'ai pris 45 jours de mitard quand même
, il disait « je ne veux pas de lui ici, 253 pas question qu'il reste chez nous ». Il m'appelle dans son bureau et me dit : « Ici, je veux pas 254 d'histoire, vous me dites de quoi vous avez besoin et je vous le donne » ; j'ai fait ma liste. C'est 255 assez anecdotique quand même
, Non pas parce que je suis un fayot, un mouchard 258 ou quoi que ce soit d'autre, mais parce que c'était un homme extrêmement humain, il entrait dans 259 ma cellule, il disait « fais nous un café Claude, je suis crevé ». J'ai connu des braves gens, j'ai eu 260 la chance de rencontrer des gens intelligents, humains, vraiment sympas, et compréhensifs parmi 261 les surveillants aussi. Je me souviens du brigadier Fournil, le pauvre, il doit être mort aujourd'hui, 262 il avait 40 ans de carrière, il connaissait tout, mais surtout il comprenait tout ; vraiment un brave 263 type. Me baluchonner de prison en prison, c'était surtout pour que j'évite de prendre racine
, De vrais garde-chiourmes, qui s'étaient mis en tête de jouer aux 266 justiciers avec les détenus
, Au même moment Michèle, que je voyais au parloir régulièrement, avait un cancer du 270 sein aussi. J'ai préféré ne pas lui dire pour ne pas l'inquiéter, je vivais avec mon idée de cancer 271 tout seul. Et puis un jour, c'est le médecin-chef qui me reçoit ; je lui demande comment fait-on 272 pour mon cancer, et que fait-on ? Le médecin ne comprend pas de quoi je parle et me rassure 273 immédiatement. Je sors de la consultation guéri d'un cancer que je n'ai
, toujours aimé lire, depuis que j'ai appris à lire, je suis vite devenu boulimique, une 277 réelle appétence pour apprendre, savoir, connaître. Un dictionnaire, toujours à côté de moi, dès 278 que je rencontre un mot que je ne connais pas
, En prison, j'ai donné des cours aux détenus qui avaient besoin d'aide, pour lire et écrire
, Apprendre à lire et écrire, les a grandis, 281 il n'y a rien de plus important que l'instruction
, il se rend compte de ses manques, qu'il 284 commence à acquérir du vocabulaire qui lui permet de s'expliquer avec des mots ; c'est plus le 285 même, il a changé. C'est plus le type qu'on a connu un an ou deux ans avant, il est différent. Il a 286 conscience avec lui-même, il commence à se dire « tout ça en sortant, je vais pouvoir m'en servir 287
, Régine C. médecin, le président 290 de médecin du monde, un professeur de yoga et même un archéologue. C'était formidable, le 291 directeur m'a avoué lui même qu'il n'avait jamais vendu autant de dictionnaires en cantine. Ça 292 veut bien dire quelque chose, les détenus achetaient un dictionnaire pour comprendre les mots et 293 savoir de quoi on allait parler dans la conférence. Le personnel de la prison, Club de la 289 connaissance », je fais venir des conférenciers
, Il y a des choses qui sont importantes à faire en prison. Ça grandit tout le monde et ça, 296 c'est important
, Mais, dans chaque prison j'aide les 298 détenus, je fais écrivain public, je rédige les dossiers de conditionnelle, un courrier par ci, un 299 courrier par là, toujours en train de m'occuper de quelqu'un qui a besoin d'aide. J'aide même des 300 détenus qui sont dans d'autres prisons, comme Corinne, à distance, de prison à prison, Et puis j'ai été baluchonné, donc je repars ailleurs
, On lui a constitué un pécule, en lançant un appel 307 aux dons, Michèle au Secours catholique, « dispatchait » les appels aux dons auprès des 308 associations, et des gens qu'elle connaissait. L'argent était versé sur un compte du Secours 309 catholique ouvert au nom de Régine. Moi, j'avais une vieille machine à écrire, une Olympia 310 mécanique et j'ai tapé toutes les lettres de demandes de dons dans ma cellule
, En tout, j'ai fait 25 ans de placard, je suis sorti grâce à Michèle qui, d'ailleurs, a appris 315 ma date de sortie avant moi
, Michèle a fait tous les papiers, toutes les démarches, elle a trouvé l'appartement où je vis 317
, elle s'est occupée de tout pour que je puisse sortir, même de mon argent. J'ai eu de la chance de 318 la rencontrer, je suis un veinard. En prison, grâce à elle, j'avais parloir, je recevais du courrier, 319 j'avais quelqu'un à qui écrire bref
,
, Nous nous sommes souvent heurtés, parce que Michèle est très chrétienne, moi, je suis chrétien, 322 mais à ma façon. Les premières années de ma vie en orphelinat ont laissé des traces qui sont 323 toujours là
, Pour moi, il n'y a pas plus important que le droit d'être, le droit d'exister ; avec un esprit 325 d'indépendance et de liberté
, nous les mômes de l'orphelinat, quand on était jeunes
, Je vis debout ! 331 Celui qui me fera vivre à genoux n'est pas encore né, je préfère mourir. Je n'ai jamais 332 plié, et je ne plierai pas, je ne plierai jamais. Là où je suis passé, ils ne savent même pas que ça 333 existe, passé 25 ans derrière les barreaux, mais toujours debout
, possibilité de rejoindre mes ex-associés, dès l'entrée en 335 prison, et jusqu'à aujourd'hui ; reprendre contact avec eux, c'est facile, mais c'est pas le choix 336 que j'ai fait. Et j'ai fait beaucoup mieux, j'ai trouvé un sens à ma vie
, Les trois premières années de mon incarcération, je me suis attelé à la création d'une 338 association, qui m'a beaucoup occupé en fait, l'Association européenne des droits de l'homme 339 intramuros, l'AEDDHIM. Ce que je vois en prison, dès mon arrivée, me choque
, homme 345 intra-muros, pour faire connaître aux gens dehors comment cela se passe pour ceux qui sont 346 dedans. Même encore aujourd'hui ça continue à me heurter. Quand j'entre en prison, je m'y 347 attends, je sais bien que le régime de la prison est dur et moche, mais j'ai eu l'impression qu'on 348 était toujours dans les années 1950, alors qu'on était en 1986, le monde a évolué dehors depuis, 349 la prison non, rien a changé depuis les années 1950, projet
,
, succès de mon association, je 354 recevais tellement de courrier, j'étais débordé de travail, cela ne leur a pas plu. C'était 355 inacceptable pour eux que je raconte
, Alors ils m'ont jeté à Clairvaux ; histoire de me faire disparaître. Il y avait comme un 357 besoin urgent de m'éliminer
, 18 mois, impossible pour moi 359 de continuer à faire vivre l'association. Plus de visite, plus de courrier, l'isolement total, seul tout 360 le temps, pas de fenêtre non plus, une lucarne tout en haut inaccessible
, Je ne parle à personne pendant 18 mois. L'isolement pur
, Ça rend fou un homme normal
, Mon voisin est tombé dans la folie, je l'entendais en grande conversation avec, Johnny, vol.365
, contre 366 l'extérieur, contre moi aussi, c'est difficile à expliquer, mais c'est cette haine au fond de moi qui 367 m'a empêché de devenir fou. « Ils ne m'auront pas, je ne plierai pas », voilà ce que, tous les 368 jours, je me disais sans cesse pour survivre. « Ils ne m'auront pas ». Le directeur de Clairvaux, à 369 mon arrivée, m'a reçu dans son bureau et me prévient : « Je vais te casser Saadi, les gars comme 370 toi, j'en fais mon affaire, je les connais bien ». Quel comité d'accueil, plein d'humanité cet 371 homme ! 372 Et puis, un jour, contre toute attente, arrivent dans ma cellule le Préfet, le Procureur, le 373 Directeur régional de l'AP. J'ai appris par la suite que Régine, inquiète de ma disparition 374 soudaine, a alerté son patron, Bernard Kouchner, à l'époque secrétaire d'État et MI de l'Action 375 humanitaire et de la santé. Grâce à ses recherches et à l'aide du vice-amiral Sanguinetti
, Me faire enfermer 18 mois consécutifs en quartier d'isolement ce n'était pas légal, une 380 période de 4 mois renouvelable une fois c'était le maximum que j'aurais dû faire
, Je me retrouve à Riom, près de Clermont-Ferrand, dans des conditions 383 d'enfermement normales, une vraie cellule et je revis, parce que même incarcéré on peut avoir 384 une vie. Ça paraît bizarre ça, mais même enfermé on peut avoir une vie. C'est à Riom que je me 385 suis occupé de Robert. Il arrive de Loos, il est transféré pour sa fin de peine à Riom
, Jamais je ne me serais adressé au Secours catholique 389 pour avoir un correspondant anonyme, ce n'était pas mon truc
, Au début de notre correspondance, je lui donnais du fil à retordre à Michèle, parce que 392 moi et la religion, ce n'est pas vraiment ça
, Nous avons évolué et grandi ensemble, nous nous sommes enrichis l'un et l'autre en 394 même temps. Moi, j'ai apaisé ma haine, j'ai réussi à cadrer la violence qu'il y avait au fond de 395 moi et Michèle a ouvert les yeux sur l'univers
, Après plusieurs années de correspondance, 7 ans, elle vient me voir au parloir en 98, 397 j'étais à la prison d'Arles
, de la vie que j'avais avant d'entrer en prison à celle que j'ai aujourd'hui 399 grâce à Michèle et à ce qu'elle m'a apporté. On a échangé par écrit durant de longues années
, Elle était très engagée dans la vie associative, elle partageait avec moi, par écrit, tout ce 402 qu'elle faisait pour aider les gens qu'elle rencontrait hors et dans les prisons. J'ai découvert un 403 autre monde avec elle, un monde que je ne connaissais pas du tout. Ça n'a pas été facile, je suis 404 resté deux fois un an, sans répondre à ses courriers
, Malgré tout, elle continuait à m'écrire toutes les semaines pour me tenir informé de ce qu'elle 406 faisait avec les détenus et toutes les semaines elle téléphonait à François, mon visiteur
, Je ne me souviens pas avoir été aussi important pour qui que ce soit dans ma vie
, elle me racontait me heurtait, les deux mondes 411 opposés, le mien et le sien s'affrontaient. Mon monde à moi, je le comprenais mais je n'avais plus 412 envie d'y adhérer, c'était déjà le passé dont je voulais m'éloigner, et le sien nouveau, que je 413 découvrais par le biais de ses écrits
, J'avais envie mais entre les deux, c'était comme si j'étais boiteux
, Pendant toute cette période-là, je l'ai dit souvent, j'étais entre nulle part et n'importe où
, Le temps que cela mûrisse, que ça prenne forme, c'est une gestation
, Un jour, je lui ai dit d'ailleurs à Michèle, elle est ma résurrection
, Une famille que je n'avais pas eue, une famille qui 421 m'a ouvert son coeur. Comment lutter alors que je n'avais pas connu autant d'amitié, de douceur, 422 de patience et d'amour. Aujourd'hui elle est la seule personne qui a le droit de me gronder sans 423 que je rouspète, Parfois elle venait me voir au parloir avec ses petits-enfants, on jouait aux pirates et aux 420 Indiens ou on faisait des jeux de construction
, Régine qu'on appelait « pot 425 de miel » tellement elle était gentille, ils m'ont épaulé tous ces gens ; j'ai pu m'appuyer sur eux 426 et je me suis reconstruit, ils m'ont servi d'étai pour me soutenir
, J'avais beaucoup de mal à comprendre pourquoi elle faisait tout ça Michèle, son approche 428 spirituelle, religieuse et chrétienne, je ne comprenais pas, ce n'était pas mon monde
, Le mot « charité » m'insupporte, je ne l'accepte pas dans mon vocabulaire
, Le contentieux s'édulcorera probablement avec le temps. Pour l'instant, il 434 suffit de très peu pour que les choses remontent encore en surface et les nuits sont longues et 435 difficiles. Ce passé, à mon avis, ne s'effacera pas. Ce qui a changé, c'est que je le supporte 436 maintenant, alors que je ne le supportais pas avant
, Mon nom et toutes les 438 humiliations, mon identité et toutes celles que j'ai empruntées pour cacher la mienne, ma liberté 439 et sa précarité, mes idées toujours remises en cause
, Cette haine, je l'ai changée en compréhension, ce n'est pas facile de comprendre, de se 441 comprendre soi-même, il a fallu que je visualise qui j'étais et qui je suis d'abord, que j'apprenne 442 à faire confiance
, je ne connaissais rien d'autre. J'ai connu 444 deux guerres. La sueur, le sang, les larmes c'est ce que j'ai vécu, je connais par coeur. Et d'un seul 445 coup, il fallait que je raye tout ça pour penser autrement
, Au début, ce que je comprenais de Michèle, c'est qu'elle n'appartenait pas au même 447 monde que moi, je n'étais pas concerné et j'étais étranger à son monde
, Michèle à ce moment-là, je ne la connaissais pas. D'un seul coup tout effacer
, Elle m'a 450 apporté ce que je n'avais jamais connu, de la douceur, de la tendresse, de l'affectif, de l'humain, 451 c'est comme ça qu'elle a réussi à m'apprivoiser. Ça me faisait peur, c'était inconnu pour moi. Les 452 choses se font, petit à petit, une pierre sur une autre et on construit sa maison, et la compréhension qui m'ont permis de comprendre, p.454
, Libre, je ne savais plus traverser un boulevard seul !
, je vois une quantité de gens qui sont dans la 456 merde, je n'ai pas le temps de repenser à tout ça, il faut absolument faire quelque chose pour eux, 457 il faut être là, présent pour eux, alors on fait. Je travaille à plusieurs projets de réinsertion de 458 détenus, avec la conviction qu'une sortie non préparée est une sortie qui conduit quasi 459 inévitablement à la récidive. Accompagner ceux qui pourront bientôt quitter leur cellule à trouver 460 un logement
, ai trouvé du sens à ma vie, un sens que je ne connaissais pas mais qui me va bien ; 462 et une nécessité d'être que j'avais déjà rencontrée avec Corinne, Robert, et tous les détenus que 463 j'ai aidés du temps où j
, Je comprends tous ces gens, c'est facile pour moi, j'ai connu la même détresse ; je n'ai 465 pas besoin de me mettre à leur place, je n'ai pas besoin de faire semblant ; ils n'ont rien à 466 m'expliquer, parce que? je sais ! 467 Un couple de jeunes gens est venu s'ajouter à nos bénéficiaires du Secours catholique, 468 cette semaine. Je les ai accueillis, ici même, je leur ai proposé un café ; ils m'expliquent qu'ils 469 n'ont plus rien pour vivre. Le garçon 22 ans et la fille 19 ans, ils sont tous les deux dans la rue
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, je me fais attraper la première fois pour trafic de stup. L98 Je tombe, une première fois, je fais 4 ans de prison, c'est raide, c'est lourd, pour une première incarcération, mais c'était une très grosse affaire aussi. J'avais 19 ans, et ça faisait plusieurs années que j'étais dans le business. L116 Je fais les 4 années, plein pot, aucune remise de peine à cause des nombreux séjours au mitard, vol.deal
, C'était mon premier séjour en prison. À ce moment-là de ma vie, je ne pensais pas que je reviendrais en prison. L260 Un parcours de récidiviste, j'entre et je sors de prisons plusieurs fois, je me fais attraper
, me suis fait prendre plusieurs fois par les flics, ma mère venait me chercher au commissariat, je me suis retrouvé plusieurs fois de suite devant le juge pour enfants
, De 12 à 14 ans, c'était la première fois pour toutes les conneries aussi, conneries no limit. Là, je peux vraiment dire que j'ai fait quelques bêtises
, être dans ce genre de situation, police, garde à vue, juge, tout ça, je connais bien depuis l'âge de 12 ans. L177 Voler, je savais que c'était pas bien, mais le risque, l'adrénaline, ça, j'aimais bien. La police et les éducateurs, ils ont toujours le même langage de toute façon
, Je vais sortir bientôt ». Et puis le verdict tombe, je prends 8 ans de prison ferme ; et je tombe aussi. L299 Quand on est innocent on va jusqu'au bout du processus pour faire reconnaître l'injustice dont est victime, on ne s'arrête pas en route. L463 Quand on est innocent, on cherche à se défendre, on cherche à prouver son innocence
, est la première fois, j'ai eu d'autres soucis avant, j'ai des antécédents, c'est vrai, des condamnations, une dizaine, mais jamais de prison avant. L51 j'ai eu d'autres soucis, avant, j'ai des antécédents, c'est vrai, des condamnations
, Nous formons une bande de 7 à 8 gars, de Marseille, Toulouse, Paris, de partout, des associés, Nous sommes des braqueurs? uniquement des braquages de banques, bijouteries, fourgons. Je force des coffres et dévalise des banques. Associés en affaires
, pour mes parents, c'était à cause du père de mon fils qui était dealer, mais c'est faux, personne ne m'a obligée. L168 J'adhère au mec, il faut être logique, j'adhère au projet, il ne m'a pas forcée, il ne m'a pas influencée non plus, j'ai pas agi sous influence
, pareil, (mes parents disent que) c'est parce que je me suis fait manipuler, je regrette rien, je ne me suis pas fait manipuler, je regrette peut-être la manière dont ça s'est fait, mais sinon
, fait ce que je devais faire, je l'aimais, c'était normal que je respecte sa volonté
, étais « hors société » parce que je fais des choses que les gens ne font pas, quand même, ça, c'est réel, je sais très bien ce que je fais, de hors la loi. Je sais que je suis un trafiquant
, Un multirécidiviste. J'ai une vie tout à fait banale de délinquant récidiviste, un délinquant, rien de plus banal ma vie. Je rentre, je sors de prison, c'est comme ça ! L13 Je ne travaille pas, même pas entre les peines de prison, c'est un choix de vie. Je ne paie pas d'impôt, pas de taxe, c'est mon choix. L61 . J'ai pas envie d'en changer, j'ai pas envie de devenir un autre
, L197 Je ne culpabilise même pas pour ce que je fais, pour moi c'est tellement évident que les maisons de crédit et les banques sont des escrocs assermentés, que je n'ai aucune raison de m'en vouloir, p.6
, je compte pas le nombre de fois où je me suis fait courser par les flics, mais jamais ils m'ont attrapé. L97 je fais 4 ans de prison, c'est raide, c'est lourd, pour une première incarcération, mais c'était une très grosse affaire aussi. J'avais 19 ans, et ça faisait plusieurs années que j'étais dans le business. L335 La prison, pour moi, c'est un mal pour un bien ; avant d'aller en prison, je faisais n'importe quoi ; j'ai grandi dans un milieu où on avait pas ce qu'on voulait, j'ai commencé à dealer pour avoir ce dont j'avais besoin pour vivre
, Je suis en prison, c'est à moi que j'en veux, et à personne d'autre. L394 Si je suis allé en prison, c'est pas de la faute aux autres, aux juges, aux flics ; j'en veux à personne, je ne suis pas sorti de là, plein de haine, en voulant me venger sur ceux qui m'ont mis là
, L398 Pour avancer, il faut savoir se remettre en question, s'interroger et comprendre ce qui s'est passé, où j'ai fait les conneries. Ça s'appelle se responsabiliser et ne pas trouver un fautif à son erreur autre que soi-même
, L229 je fais le tri, entre ce que j'ai fait de bien et de moins bien, ce que j'ai raté aussi. Finalement ma plus grosse punition, c'est d'être séparée de mes enfants, alors Dieu voudrait-il me faire comprendre que je suis trop sur eux, incapable de m'éloigner d'eux, que je les aime mal en étant trop proche tout le temps ? Dieu voudrait-il m'apprendre à me détacher de mes enfants et ainsi mieux les aimer ? J'arrive presque à m'en persuader? L299 Quand on est innocent on va jusqu'au bout du processus pour faire reconnaître l'injustice dont est victime, on ne s'arrête pas en route. L463 Quand on est innocent, on cherche à se défendre, on cherche à prouver son innocence, Liana L70 Nous ne comprenons vraiment pas ce qui nous arrive, mais comme nous n'avons rien à nous reprocher, nous restons calmes et confiants, nous pensons que tout va très vite se régler finalement
, Claude L173 À 30 ans, je deviens braqueur. Il a suffi de quelques rencontres et j'
, Nous sommes des braqueurs ; uniquement des braquages de banques, bijouteries, fourgons. Je force des coffres et dévalise des banques, L175 Nous formons une bande de 7 à 8 gars
, est ce qui m'est arrivé, un jour j'ai pris le mur, je me suis fracassé, j'assume ; je prends perpète avec 18 ans de sûreté. J'accepte la sentence
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, De l'institution carcérale vers une perspective de recherche
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, du cadre : Sciences de l'Education & Recherche biographique
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, La délinquance : qu'entend-on par délinquance ?
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, Les enjeux : la réalisation de patrons biographiques
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, Annexe, vol.1
, Annexe 2 : La grille de lecture de l'analyse des discours
, Annexe 3 : Le tableau représentant un modèle de grille pour l'analyse de contenu thématique, p.485