index - Risques, Epidémiologie, Territoire, INformations, Education et Santé Accéder directement au contenu

L’unité Risques, Epidémiologie, Territoires et INformations en Santé (RETINES) est une unité de recherche en santé publique hébergée dans les locaux du département IRIS de la faculté de médecine. Elle s’inscrit dans l’EUR HEALTHY de l’UCA (Ecosystèmes des Sciences de la Santé) et est structurée autour de 3 axes de recherche visant l’expression de la vulnérabilité (risque) consécutive à une exposition (exposome) de type : 1) territorial - l’analyse des vulnérabilités populationnelles et leur distribution sur le territoire ; 2) organisationnel - l’analyse des pratiques de santé et leur distribution sur le territoire ; 3) comportemental - l’analyse de l’impact des actions d’information et de formation à visée préventive. Par rapport à la définition large du concept d’exposome , nous débutons le programme de recherches sur l’analyse de 3 domaines de déterminants « causaux » (environnements, pratiques et littéracie) en lien avec les états de santé (sous-populations saines et atteintes de pathologies). 

 

Axe 1 : Déterminants territoriaux - Analyse des vulnérabilités populationnelles (sociales et environnementales) - Direction : Gilles MAIGNANT et Pascal STACCINI

Les liens entre territoires et santé peuvent se décliner à différents échelons tant structurels qu’organisationnels. Comprendre les déterminants de santé nécessite de montrer les effets visibles de l’environnement sur la santé (vulnérabilités populationnelles), mais également de déceler des effets non visibles ou peu étudiés (signaux faibles). Il s’agit de diagnostiquer l’état de santé du territoire dans une démarche descriptive (état actuel) et prospective. De nos jours, les maladies chroniques représentent 80% de l’ensemble des maladies contre seulement 20% pour les maladies infectieuses. Ces maladies chroniques sont en augmentation continue à la fois en nombre et en termes d’incidence, et représentent 75% des dépenses totales de santé (données de consommation de soins). Elles sont à rapprocher des questions environnementales, et interrogent les expositions chroniques même à faible dose et des effets cocktail dont la résultante est très largement supérieure à la somme de ses éléments constituants (réactions chimiques complexes). Questionner l’échelle spatiale optimale pour analyser les liens santé-environnement revient à se poser, d’une part la question d’accessibilité aux données environnementales et aux données de santé ; d’autre part de l’imbrication de celles-ci dans un processus top-down (désagrégation de données) ou Bottom-up (agrégation de données), approche multi-scalaire (comment modéliser ces liens complexes ?). Travailler sur les liens environnement – santé pose de multiples questions méthodologiques, d’une part, il est nécessaire de comprendre les effets directs comme par exemple une estimation dose-réponse (polluants à seuils), d’autre part d’analyser les effets de polluants sans seuils qui peuvent également être combinés dans des effets cocktails (effets indirects). Dans le cadre des effets indirects, l’air peut servir de vecteur pour transporter un polluant qui pourra par la suite avoir un effet sur la santé. Mais, comme le précise Lena Sanders, « seule l’éventuelle existence d’un effet de seuil […] peut être interprétable dans la réalité […] [car] il y a un réel problème d’identification de la valeur mathématique d’un paramètre avec sa signification [spatiale] » (Sanders, 1992). Ainsi, la vulnérabilité différenciée (sociale et environnementale) permettra de mieux comprendre les expositions tout au long de la vie (notamment à travers le concept d’exposome revisité). Les modélisations en environnement - santé peuvent passer par des recoupements de données spatio-temporelles sous plateforme SIG mais aussi par des études épidémiologiques, tout en mobilisant de nouveaux modèles statistiques. En effet, les effets indirects de l’environnement sur la santé sont difficilement modélisables, et renvoient à des questions d’échelles temporelles et spatiales distinctes et à une combinaison de facteurs (systémique). La modélisation peut également s’appuyer sur des réseaux sentinelles (de praticiens), mesurant un certain nombre d’indicateurs de santé en continu, c’est notamment le cas des médecins généralistes qui suivent en continu le nombre de gastro-entérites afin de produire des cartes permettant de caractériser les régions dépassant le seuil épidémique et alerter ainsi les autorités sanitaires. Cet axe est à la fois un axe thématique (environnement-santé) et un espace d’expérimentations de nouveaux procédés de modélisation (couplage de modèles spatiaux, logique floue, réseaux bayésiens, optimisation, statistiques, , prospective…) pour fournir notamment des modèles d’aide à la décision pour l’écosystème territorial, local, national et international. En effet, les méthodologies développées dans cet axe sont transposables à d’autres territoires, sous réserve d’avoir l’ensemble des données disponibles.

 

Axe 2 : Déterminants organisationnels - Analyse des pratiques et de leur distribution sur le territoire - Direction : David DARMON et Emmanuel CHAMOREY

L’objectif de cet axe est l’analyse des pratiques de santé en ambulatoire et en établissement de soins autour du parcours de santé du patient sur un territoire donné. La problématique est de pouvoir répondre à deux grandes questions; d'une part les conditions d’une traçabilité exhaustive et fiable de l’information médicale en secteur ambulatoire pour l’identification et la caractérisation des trajectoires des patients, en s’intéressant d’abord à des sous-populations repérables (pathologies chroniques, personnes âgées) ; d'autre part, les conditions du bon usage de la classification CISP-2 au sein de l’arsenal de toutes les terminologies utilisées en santé pour la description des recours.

Cet axe va bénéficier dès sa création d’une étudiante en thèse, ancienne ingénieur informatique (diplômée de Nice) qui a repris ses études de médecine pour devenir médecin de santé publique. Son travail a d’ores et déjà débuté et a donné lieu à une première publication internationale. Il concerne la mise en place d’un entrepôt de données de santé de médecine ambulatoire. Le sujet de la thèse concerne les méthodes et les outils de qualification du flux de données extrait directement des dossiers médicaux des patients. L’utilisation d’une telle base peut servir au moins trois objectifs : 1) le premier concerne l’évaluation des pratiques professionnelles (analyse des motifs de recours et des prescriptions, analyse des trajectoires de patients) ; 2) le second concerne le lien et la consolidation des données médicales au sein d’un territoire de santé. Les liens avec les structures d’hospitalisation (publiques et privées), les structures de dépistage, la mise en œuvre d’outils de consolidation anonymisée des données, les algorithmes de validation des données extraites des dossiers en fonction des données connues dans les autres bases ; 3) l’identification de populations à risque, en particulier de ré-hospitalisation. Ce dernier point fait d’ailleurs l’objet d’un travail en cours entre le porteur de l’axe et une entreprise privée dans le cadre d’une bourse CIFRE. Les liens entre le premier et le second axe sont très importants. La possibilité de pouvoir « injecter » dans le profil patient et l’observation des pratiques les éléments liés au repérage de la vulnérabilité du territoire de vie des patients concernés est un élément de recherche dans le cadre de la médecine prédictive et participative. Une première étude de faisabilité de cet entrepôt avait été conduite dans le cadre d’un travail de thèse de médecine concernant l’étude des prescriptions selon le motif et la durée de la consultation. Les deux porteurs de l’axe sont, pour l’un, maitre de conférences – praticien ambulatoire en médecine générale, responsable du Département d’Enseignement et de Recherche en Médecine Générale de la faculté de médecine de Nice « Données, Décisions, Systèmes et e-Santé », et le second pharmacien hospitalier biostatisticien, titulaire d’une HDR, exerçant au Centre Antoine Lacassagne, co-responsable du parcours « Recherche clinique interventionnelle » au sein du master « Ingénierie de la Santé » (ISA) . Le cancer sera pris comme exemple de pathologie chronique pour l’étude des trajectoires des patients en secteur ambulatoire.

 

Axe 3 : Déterminants comportementaux – Analyse de l’impact de la simulation étendue (extended simulation) en éducation médicale - Direction : Jean-Paul FOURNIER et Arnaud CHOPLIN

L’objectif de cet axe est l’analyse de l’impact des actions d’information (patients) et de formation (professionnels) proposées sur un territoire donné au moyen de dispositifs immersifs. L’éducation médicale concerne toute action de formation dont la matière principale concerne la santé. Cette définition est plus large que ce que le terme peut évoquer en première lecture, médical renvoyant à la fois à la catégorie de professionnels et à la médecine. La simulation peut être définie comme une technique d’enseignement utilisée pour l’apprentissage, l’évaluation et la recherche, qui inclut diverses modalités, qui ont en commun la reproduction de certaines particularités de la réalité. Les activités éducatives reposent sur l’apprentissage par l’expérience. Fondamentalement, elle doit laisser les participants moduler, à des degrés divers, l’expérience éducative par des interactions verbales ou physiques avec les composantes simulées des patients[1]. D’un point de vue technique, plusieurs modalités peuvent être utilisées, éventuellement simultanément (simulation hybride), reflétant les avancées technologiques. La simulation immersive fait appel à des simulateurs reproduisant l’essentiel des paramètres physiologiques, évoluant dans un environnement reconstitué, tel que bloc opératoire, salle d’urgence ou de soins intensifs. Ces simulateurs sont particulièrement adaptés à la gestion de situations complexes et au travail en équipe pluridisciplinaire. La simulation délivrée par ordinateur utilise des patients virtuels évoluant ou non dans un environnement technologique reconstitué urgences, réanimation, anesthésiologie par exemple). Les jeux sérieux ajoutent une dimension ludique à ces techniques avec une forte valeur ajoutée cognitive. Enfin, on peut faire appel à des patients, réels (patients experts) ou simulés (patients standardisés), éventuellement joués par des comédiens. Ces derniers permettent notamment les apprentissages de communication ou comportementaux. La modélisation est une approche très récente, permettant par exemple de reproduire une intervention chirurgicale à partir des données morphologiques spécifiques d’un patient donné. Quoiqu’il en soit, ces techniques ont en commun un retour vers l’apprenant (debriefing) qui en fait l’intérêt. Complémentaires, ces techniques ont en commun de pouvoir (en plus d’un apprentissage sur le contenu) d’accéder à des domaines difficilement traités par les méthodes plus classiques, notamment : communication, comportement, prise de décision en situation, compétences organisationnelles. Qu’il s’agisse d’apprentissage ou d’évaluation, la simulation est dont une étape incontournable d’une approche par compétences dans sa double composante, apprentissage et évaluation. En matière de santé publique, les questions de promotion et d’éducation à la santé (volet du professionnel et volet du patient) sont des éléments essentiels du niveau de vulnérabilité d’un territoire. Il s’agit donc d’agir sur les comportements, d’initier, de faciliter, d’entretenir la compliance préventive de la survenue d’une situation à risque. Les objectifs contributifs de cet axe à l’étude des déterminants de la vulnérabilité sont d’analyser l’impact de la simulation immersive pour la préparation des étudiants en santé (L3) aux actions de santé préventive en milieu scolaire et universitaire. L’impact des actions de formation sera analysé selon des méthodologies classiques (avant-après) couplées à une étude de cohorte longitudinale pour évaluer six compétences majeures : l’expertise technique, le professionnalisme, la communication, la collaboration, la gestion et l’érudition. Pour compléter le contexte de simulation immersive, les développements technologiques récents permettent d’envisager une simulation étendue (extended simulation) pour explorer des compétences procédurales. Les imprimantes 3D permettent de reconstituer des objets pédagogiques (structures anatomiques par exemple) avec retour de force et structure variable (par exemple un os ostéoporotique). Il y a là la possibilité d’entraîner et dévaluer à la pratique de gestes (en particulier invasifs) et de produire une comparaison avec randomisation en 2 groupes d’étudiants en évaluant l’impact des 2 méthodes d’apprentissage, immédiatement et à long terme. Ces approches ont en commun une approche multi-disciplinaire (médecins de différentes spécialités et kinésithérapeutes), la mise à disposition de simulateurs low-cost, voire leur commercialisation. Les deux porteurs de l’axe sont deux chercheurs, l’un en éducation médicale et le second en sciences de l’éducation appliquées à la santé. Ils conduisent en routine les actions de simulation immersive et contribuent au programme SeGaMed dédié aux jeux sérieux. Ils sont également contributeurs à la structuration du dispositif de formation au service sanitaire.

 

 


 

[1] Chiniara G, Cole G, Bribin K et al. Simulation in healthcare : a taxonomy and a conceptual framework for instructional design and media selection. Medical Teacher 2013;35:e1380-e1395